Le cancer du sein peut se propager à d'autres organes (métastases du
foie, du poumon, etc.) via la lymphe. Passage obligé de ce liquide, un certain
nombre de ganglions axillaires peut être enlevé en même temps que l'opération de
la tumeur. Ce curage axillaire peut néanmoins entraîner des séquelles
douloureuses. Une nouvelle méthode moins traumatisante pourrait y remédier : la
technique du ganglion sentinelle.
L'envahissement des ganglions lymphatiques situés dans les aisselles
représente la première étape vers le développement de métastases dans le cancer
du sein. Il conditionne en grande partie le pronostic de ce cancer et son
traitement.
Eviter la propagation du cancer
Si une tumeur opérée mesure moins d'un millimètre de
diamètre et n'a pas encore envahi les ganglions, elle a neuf chances sur dix de
guérir. Mais s'il existe déjà un envahissement ganglionnaire au moment du
traitement, les chances de guérison ne sont plus que de 50 %.
Pour préserver au maximum les possibilités de survie, les ganglions atteints
doivent être enlevés et le traitement complété par une chimiothérapie qui
permettra de détruire les cellules tumorales disséminées dans l'organisme.
Jusqu'à une période très récente, l'ablation d'une tumeur invasive du sein
(c'est-à-dire ayant commencé à infiltrer la glande mammaire) était donc
systématiquement associée à un curage axillaire du côté atteint. Cette opération
consiste en l'ablation d'une partie de la chaîne ganglionnaire située dans
l'aisselle du côté du sein traité. Autrefois, la totalité des ganglions était
enlevée. Aujourd'hui, une dizaine de ganglions sont enlevés et examinés.
Les inconvénients du curage
Parmi les conséquences du curage axillaire, on note l'atteinte du drainage
lymphatique du sein et du bras, une augmentation de la sensibilité aux
infections au niveau du bras. De plus, ce curage peut entraîner des douleurs et
une certaine impotence du bras dans les semaines qui suivent l'intervention.
L'aide d'un kinésithérapeute permettra de retrouver progressivement toute sa
mobilité.
Au terme des trois à huit jours d'opération, un redon (petit tuyau servant à
évacuer la lymphe) est laissé en place en dessous du bras. Malgré cela, le
drainage de la lymphe se fait moins efficacement, ainsi un tiers des femmes a
besoin d'une ponction suite à l'opération.
Enfin, 5 % des femmes doivent faire face après plusieurs années à un problème
de "gros bras" ou lymphoedème du bras. Ce gonflement de la main et du bras très
douloureux empoisonne la vie des patientes atteintes. Actuellement, on ne
dispose d'aucun traitement réellement efficace face à ce problème.
Repérer les sentinelles
Développée depuis le début des années 1990, la technique du ganglion
sentinelle est beaucoup moins traumatisante. Il s'agit de repérer les premiers
ganglions de la chaîne axillaire, ceux qui seront les premiers à être envahis
par les cellules malignes, et de les enlever pour les examiner. Un véritable
curage ne sera effectué que s'ils sont atteints.
En pratique, une substance radioactive légère et un colorant sont injectés
autour de la tumeur, peu avant son ablation. Ces substances vont cheminer dans
le système lymphatique et se concentrer dans les premiers ganglions qui drainent
la tumeur, les ganglions sentinelles. Ce "marquage" permet au chirurgien de les
repérer et de les enlever à travers une toute petite incision.
En moyenne deux ganglions sont prélevés et examinés aussitôt au laboratoire,
au cours même de l'intervention. S'ils sont cancéreux, toute la chaîne
ganglionnaire est enlevée. Dans le cas contraire, l'opération s'arrête là.
Mais une analyse plus approfondie sera réalisée dans les jours qui suivent.
Certaines femmes pourront être à nouveau opérées pour un véritable curage, si
les ganglions se révèlent finalement envahis. L'indication d'une chimiothérapie
sera décidée selon plusieurs critères, parmi lesquels la présence ou l'absence
d'envahissement ganglionnaire tient une place importante.
Plus d'une femme sur deux
La technique du ganglion sentinelle s'adresse à toutes les femmes ayant un
cancer du sein de diamètre inférieur à 15 ou 20 mm, sans ganglion palpable dans
l'aisselle, à condition que la tumeur soit unique et que la femme n'ait pas reçu
de chimiothérapie dite néoadjuvante (chimiothérapie proposée dans certains cas,
avant l'intervention pour diminuer la taille de la tumeur et augmenter les
chances d'une chirurgie conservatrices).
"Dans notre expérience, cela représente plus de la moitié des patientes »
estime le Dr Emmanuel Barranger (hôpital Tenon) "Mais cela concernera de plus en
plus de femmes à mesure que le dépistage deviendra plus performant. La taille
moyenne des tumeurs dépistées est actuellement de 15 mm".
Dans quelques centres seulement
Introduite en France il y a deux ou trois ans, cette technique n'est
malheureusement réalisée que dans quelques centres anticancéreux. Elle a
l'avantage d'éviter des curages axillaires inutiles dans 70 % des cas, car le
risque d'envahissement ganglionnaire n'est que de 30 % dans ces petites tumeurs.
"Cela signifie pas de soins postopératoires (drains), moins de douleurs, tout
un confort" souligne le Dr Barranger. L'hospitalisation est plus courte et le
risque de séquelles minime. Néanmoins, 30 % des patientes devront avoir
finalement un curage ganglionnaire :
- Soit au cours de l'intervention, parce que l'examen immédiat était positif ou, plus rarement, parce que le ou les ganglions sentinelles n'ont pas pu être repérés ;
- Soit lors d'une deuxième intervention, car l'examen plus approfondi des ganglions a montré la présence de cellules malignes.
Un certain nombre de "réinterventions"
La technique du ganglion sentinelle a aussi des inconvénients. Le premier est
de devoir réopérer un certain nombre de patientes, là aussi sous anesthésie
générale, pour un curage. Le deuxième est de courir le risque de laisser en
place des ganglions métastatiques. La proportion de ces faux négatifs est de 3 à
5 %. "Mais le risque est étroitement lié à l'expérience du chirurgien, au nombre
d'interventions qu'il réalise" observe le Dr Barranger.
Enfin, bien que le recul soit de dix ans environ aux Etats-Unis, on ne
dispose pas encore d'études comparatives entre le curage axillaire systématique
et la technique du ganglion sentinelle pour évaluer les effets de ces deux
stratégies sur la survie à long terme. C'est seulement lorsque de telles études
seront disponibles que l'on pourra juger véritablement des avantages de cette
technique.
Source: ICI
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