Les Prs Ellen M. Mowry (Université Johns Hopkins, Baltimore, Etats-Unis) et Emmanuelle Waubant (Centre de la sclérose en plaques, UCSF, San Fransisco, Etats-Unis) ont fait un tour d'horizon sur cette thématique lors d'une session du 28ème congrès de l'European Committe for Treatment and Research in Multiple Sclerosis (ECTRIMS) consacrée à la sclérose en plaques (SEP) pédiatrique [1].
Pourquoi s'intéresser à la vitamine D dans la SEP ?
Le rationnel de la supplémentation en vitamine D dans la sclérose en plaque repose à la fois sur des données épidémiologiques mais aussi sur ce que l'on connait de son action sur le système immunitaire et sur le génome.
En parallèle, des récepteurs à la vitamine D ont été identifiés sur les lymphocytes T, B, et les cellules présentatrices d'antigène du système immunitaire.
« La vitamine D a toutes sortes d'effets sur le système immun. Entre autre, elle a un effet sur le système des cellules régulatrices T ou B et elle améliore l'efficacité des macrophages. Par exemple, les personnes tuberculeuses qui ont une vitamine D très basse répondent moins bien aux traitements», a commenté le Pr Waubant pour Medscape.fr.
Enfin, des études génétiques ont montré que la vitamine D pouvait moduler des facteurs génétiques impliqués dans la SEP. En 2009, Sreeram Ramagopalan et coll. (Australie) ont mis en évidence une séquence du gène HLA DRB1 15*01 capable de conférer une sensibilité accrue au déficit en vitamine D et qui serait associée à un sur-risque de SEP [2].
Le risque de SEP augmente avec les taux sanguins de vitamine D bas
Plus directement, plusieurs études ont établi un lien entre les niveaux sanguins de vitamine D et le risque de survenue d'une SEP.
Des expérimentations chez un modèle murin de SEP ont montré que des niveaux très bas en vitamine D pendant la grossesse induisait une SEP très sévère ultérieurement chez les petits. En revanche, si une supplémentation en vitamine D était administrée in utero ou juste après la naissance, il devenait difficile, par la suite, d'induire la maladie et en particulier une maladie sévère.
Chez l'homme, une étude américaine à très grande échelle a également mis en évidence un lien entre les niveaux de vitamine D et le risque de développer une SEP. En tout, sur 7 millions de militaires de l'armée des Etats-Unis inclus dans l'étude, 257 ont développé une sclérose en plaques entre 1992 et 2004. Leur taux de vitamine D a été mesuré régulièrement et comparé à ceux de personnes non atteintes de sclérose en plaques. Résultat : les hommes qui avaient les taux les plus élevés avaient 62% de risque en moins de développer une sclérose en plaques par rapport à ceux qui avaient les taux les plus bas [3].
Le taux de vitamine D sanguin lié au risque de nouvelle poussée
D'autres travaux ont mis en évidence une association fortement significative entre les taux de vitamine D et le risque de nouvelles poussées. En 2010, une étude réalisée chez 110 enfants atteints de SEP, a montré que pour chaque 10 mg/ml de vitamine D supplémentaire dans le sang, le risque de nouvelle poussée était diminué de 34 % (RR= 0,66; IC 95% : 0,46-0,95; p = 0,024) [4].
Six mois plus tard, une étude australienne publiée dans Annals of Neurology a confirmé ces résultats chez l'adulte [5].
Faut-il déjà supplémenter les patients atteints de SEP ?
En pratique, « il n'y a pas de risque de surdosage (hypercalcémie et complications rénales) à prescrire une supplémentation dans des doses raisonnables (jusqu'à 4000 à 5000 unités internationales par jour chez l'adulte). En revanche, avec des doses plus fortes et sur des périodes de plus de 6 mois, il faut être très vigilant sur le risque d'hypercalcémie. Or, ce sont ces doses qui sont souvent nécessaires pour obtenir des niveaux de vitamine D dans les normes chez les patients atteints de SEP. Dans notre service, aux Etats-Unis, nous visons des taux de 50/60 ng/ml », a indiqué le Pr Waubant.
Jusqu'ici seules des petites études, avec des puissances statistiques insuffisantes et des méthodologies imparfaites, ont tenté d'évaluer les bénéfices de la supplémentation en vitamine D chez les patients atteints de SEP. Mais, deux essais cliniques randomisés sont dans leur phase d'inclusion, l'un aux Etats-Unis et l'autre en Australie, avec pour objectif de confirmer un potentiel effet préventif de la supplémentation à forte doses de vitamine D dans la SEP.
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