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10 sept. 2013

L'horloge biologique et le travail de nuit

Au Laboratoire de chronobiologie, Marie Dumont étudie les effets du travail de nuit sur la qualité du sommeil.
"En 'isolation temporelle', explique Marie Dumont, le sujet est confiné dans une petite chambre sans fenêtres, où il est exposé pendant un certain temps à une lumière de plus de 3000 lux. On prélève régulièrement des échantillons d'urine et de salive pour mesurerla production de mélatonine."
La lumière, c'est comme le café. Elle ragaillardit après la dure épreuve du réveil. Ses effets ne sont pas que psychologiques. La lumière contrôle les rythmes circadiens et la sécrétion d'hormones. En fait, le cycle lumière-obscurité synchronise l'horloge biologique, qui indique quand se lever, manger et dormir. Mais quelles sont les conséquences des quarts de travail nocturnes sur la santé des travailleurs?
Marie Dumont, du Laboratoire de chronobiologie de l'Hôpital du Sacré-Coeur, s'est posé la question et en a fait l'objet d'une étude. "Il y a des effets persistants du travail de nuit sur le sommeil et sur la vigilance, affirme la chercheuse, mais pas chez tout le monde. Des enquêtes ont démontré que la tolérance aux horaires de nuit varie. La majorité (70%) des travailleurs de nuit les tolèrent pendant un certain temps, mais 20% présentent des problèmes sévères qui les obligent à abandonner ce type d'horaire."
Les données recueillies auprès de 426 infirmières de la région de Montréal montrent par ailleurs de façon significative que les horaires nocturnes peuvent altérer la qualité du sommeil. "Les infirmières qui ont travaillé de nuit pendant plus de quatre ans, à raison d'un minimum de cinq nuit par mois, souffrent plus fréquemment d'insomnie même après avoir cessé les horaires nocturnes", déclare Marie Dumont. Autres caractéristiques: celles qui ont affirmé éprouver des difficultés à dormir sont affectées par un sommeil ponctué de nombreux réveils. Indépendamment de leur âge, elles ont également un sommeil plus léger et moins réparateur que celles qui n'ont jamais travaillé de nuit.
Effets néfastes du travail de nuit
"Les infirmières de nuit de notre échantillon avaient moins de sommeil lent profond, précise Marie Dumont. Autrement dit, leur sommeil était semblable à celui d'une personne de 50 ans alors qu'elles sont âgées en moyenne d'une quarantaine d'années. Et nous avons observé ce phénomène autant chez les anciennes travailleuses de nuit qui disaient avoir des problèmes d'insomnie que chez celles qui n'en souffraient pas. Cette caractéristique semble donc directement reliée au fait d'avoir travaillé de nuit pendant longtemps."
La chercheuse compare ce vieillissement prématuré sur le plan du sommeil aux problèmes de santé des déménageurs. "Ils transportent des meubles pendant 20 ans, dit-elle. C'est normal qu'en vieillissant ils souffrent de maux de dos. De la même manière, une personne qui force son sommeil pendant plusieurs années risque une diminution de la qualité de son sommeil."
Outre la fatigue et la somnolence durant le temps de veille, plusieurs travaux montrent que le travail de nuit peut causer des problèmes gastro-intestinaux. "Selon les études, de 20% à 75% des travailleurs de nuit (par comparaison avec 10% à 25% des travailleurs de jour) se plaignent de troubles de l'appétit, de constipation, d'indigestions fréquentes et de brûlures d'estomac", relate Marie Dumont dans un article paru en février dans la revue Le Clinicien.
À long terme, le travail de nuit semble également contribuer à une hausse des troubles cardiovasculaires. "La raison de l'augmentation des problèmes cardiovasculaires chez les travailleurs de nuit n'est pas encore très bien comprise, souligne la chercheuse. Cet accroissement semble en partie lié à une grande prévalence des facteurs de risque comme le tabagisme, une pression sanguine plus élevée et un taux excessif de cholestérol. Néanmoins, la relation entre le travail de nuit et l'incidence plus élevée des troubles cardiovasculaires demeure même en contrôlant ces facteurs", estime-t-elle.
Chez les femmes, certains problèmes reliés à leur système reproducteur peuvent aussi survenir. Parmi ceux-ci, notons les cycles menstruels irréguliers, les interruptions de grossesse et les accouchements prématurés. "Mais le danger immédiat le plus important pour le travailleur de nuit est qu'il doit souvent conduire dans un état d'extrême somnolence pour rentrer à la maison", déclare Marie Dumont. Une étude menée en 1996 auprès d'infirmières de nuit révélait que 95,5% avaient été impliquées dans un accident de la route au cours de l'année précédente ou l'avaient évité de justesse. Conclusion? "L'être humain est un animal diurne et n'est pas fait pour travailler la nuit et dormir le jour", décrète Marie Dumont, qui admet avoir été dans sa jeunesse un oiseau de nuit.
Un mécanisme obscur
Il y a moins de deux décennies, Marie Dumont se rappelle avoir enseigné que l'humain n'était pas sensible à la lumière. Aujourd'hui, il faut se rendre à l'évidence, signale-t-elle, c'est absolument faux. Par exemple, si l'on met un sujet sous une lumière vive, on va "bloquer" sa sécrétion de mélatonine (aussi appelée "hormone du sommeil") pendant le temps de l'exposition. Une forte dose de lumière peut d'ailleurs remettre à l'heure l'horloge biologique après un décalage horaire et elle permet aussi de traiter les dépressions saisonnières.
Mais pourquoi l'horloge biologique ne s'adapte-t-elle pas à l'horaire du travailleur de nuit? "Chez les travailleurs de nuit, il est rare que l'horloge biologique s'ajuste à l'horaire de nuit, car seul le cycle activité-repos est modifié alors que tous les signes environnementaux (en particulier le cycle lumière-obscurité) continuent d'entraîner l'horloge biologique dans le cycle jour-nuit extérieur", répond Marie Dumont.
La question a suscité la curiosité de la chercheuse puisqu'elle a entrepris une seconde recherche sur le sujet auprès des infirmières de nuit. "Nous pensions que l'horloge biologique de celles qui n'ont pas de problèmes à dormir le jour s'adaptait à leur horaire de nuit, mentionne Marie Dumont, mais cela n'est pas le cas chez tout le monde."
L'équipe du Laboratoire de chronobiologie a utilisé la mesure de la mélatonine urinaire pour déterminer si l'horloge biologique s'adaptait. "L'heure du début et de la fin de la sécrétion de cette hormone est un bon marqueur, car c'est l'horloge biologique qui la contrôle", explique la chercheuse. Autrement dit, si la mélatonine est sécrétée pendant le jour (période de sommeil pour les infirmières de nuit), cela signifie que l'horloge biologique s'est adaptée. Et c'était le cas chez certaines des infirmières, mais le rythme circadien d'autres travailleuses ne s'était pas altéré et pourtant elles n'éprouvaient aucun problème.
"Ce phénomène est difficile à expliquer, avoue Marie Dumont. Le régulateur du rythme, l'horloge, se retrouve dans le cerveau, mais le mécanisme de l'horloge biologique est encore peu connu, pour ne pas dire obscur. En tout cas, la tolérance semble varier en partie selon l'âge. Toutefois, des caractéristiques individuelles pourraient aussi y être reliées, car nous avons observé des différences quant à la durée de la sécrétion de la mélatonine et de l'intensité du sommeil."
Une autre phase de la recherche sera bientôt réalisée et visera justement à décrire avec précision les caractéristiques des rythmes circadiens des travailleurs de nuit et à évaluer le rôle du cycle lumière-obscurité.


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L'horloge biologique et le travail de nuit

Au Laboratoire de chronobiologie, Marie Dumont étudie les effets du travail de nuit sur la qualité du sommeil.
"En 'isolation temporelle', explique Marie Dumont, le sujet est confiné dans une petite chambre sans fenêtres, où il est exposé pendant un certain temps à une lumière de plus de 3000 lux. On prélève régulièrement des échantillons d'urine et de salive pour mesurerla production de mélatonine."
La lumière, c'est comme le café. Elle ragaillardit après la dure épreuve du réveil. Ses effets ne sont pas que psychologiques. La lumière contrôle les rythmes circadiens et la sécrétion d'hormones. En fait, le cycle lumière-obscurité synchronise l'horloge biologique, qui indique quand se lever, manger et dormir. Mais quelles sont les conséquences des quarts de travail nocturnes sur la santé des travailleurs?
Marie Dumont, du Laboratoire de chronobiologie de l'Hôpital du Sacré-Coeur, s'est posé la question et en a fait l'objet d'une étude. "Il y a des effets persistants du travail de nuit sur le sommeil et sur la vigilance, affirme la chercheuse, mais pas chez tout le monde. Des enquêtes ont démontré que la tolérance aux horaires de nuit varie. La majorité (70%) des travailleurs de nuit les tolèrent pendant un certain temps, mais 20% présentent des problèmes sévères qui les obligent à abandonner ce type d'horaire."
Les données recueillies auprès de 426 infirmières de la région de Montréal montrent par ailleurs de façon significative que les horaires nocturnes peuvent altérer la qualité du sommeil. "Les infirmières qui ont travaillé de nuit pendant plus de quatre ans, à raison d'un minimum de cinq nuit par mois, souffrent plus fréquemment d'insomnie même après avoir cessé les horaires nocturnes", déclare Marie Dumont. Autres caractéristiques: celles qui ont affirmé éprouver des difficultés à dormir sont affectées par un sommeil ponctué de nombreux réveils. Indépendamment de leur âge, elles ont également un sommeil plus léger et moins réparateur que celles qui n'ont jamais travaillé de nuit.
Effets néfastes du travail de nuit
"Les infirmières de nuit de notre échantillon avaient moins de sommeil lent profond, précise Marie Dumont. Autrement dit, leur sommeil était semblable à celui d'une personne de 50 ans alors qu'elles sont âgées en moyenne d'une quarantaine d'années. Et nous avons observé ce phénomène autant chez les anciennes travailleuses de nuit qui disaient avoir des problèmes d'insomnie que chez celles qui n'en souffraient pas. Cette caractéristique semble donc directement reliée au fait d'avoir travaillé de nuit pendant longtemps."
La chercheuse compare ce vieillissement prématuré sur le plan du sommeil aux problèmes de santé des déménageurs. "Ils transportent des meubles pendant 20 ans, dit-elle. C'est normal qu'en vieillissant ils souffrent de maux de dos. De la même manière, une personne qui force son sommeil pendant plusieurs années risque une diminution de la qualité de son sommeil."
Outre la fatigue et la somnolence durant le temps de veille, plusieurs travaux montrent que le travail de nuit peut causer des problèmes gastro-intestinaux. "Selon les études, de 20% à 75% des travailleurs de nuit (par comparaison avec 10% à 25% des travailleurs de jour) se plaignent de troubles de l'appétit, de constipation, d'indigestions fréquentes et de brûlures d'estomac", relate Marie Dumont dans un article paru en février dans la revue Le Clinicien.
À long terme, le travail de nuit semble également contribuer à une hausse des troubles cardiovasculaires. "La raison de l'augmentation des problèmes cardiovasculaires chez les travailleurs de nuit n'est pas encore très bien comprise, souligne la chercheuse. Cet accroissement semble en partie lié à une grande prévalence des facteurs de risque comme le tabagisme, une pression sanguine plus élevée et un taux excessif de cholestérol. Néanmoins, la relation entre le travail de nuit et l'incidence plus élevée des troubles cardiovasculaires demeure même en contrôlant ces facteurs", estime-t-elle.
Chez les femmes, certains problèmes reliés à leur système reproducteur peuvent aussi survenir. Parmi ceux-ci, notons les cycles menstruels irréguliers, les interruptions de grossesse et les accouchements prématurés. "Mais le danger immédiat le plus important pour le travailleur de nuit est qu'il doit souvent conduire dans un état d'extrême somnolence pour rentrer à la maison", déclare Marie Dumont. Une étude menée en 1996 auprès d'infirmières de nuit révélait que 95,5% avaient été impliquées dans un accident de la route au cours de l'année précédente ou l'avaient évité de justesse. Conclusion? "L'être humain est un animal diurne et n'est pas fait pour travailler la nuit et dormir le jour", décrète Marie Dumont, qui admet avoir été dans sa jeunesse un oiseau de nuit.
Un mécanisme obscur
Il y a moins de deux décennies, Marie Dumont se rappelle avoir enseigné que l'humain n'était pas sensible à la lumière. Aujourd'hui, il faut se rendre à l'évidence, signale-t-elle, c'est absolument faux. Par exemple, si l'on met un sujet sous une lumière vive, on va "bloquer" sa sécrétion de mélatonine (aussi appelée "hormone du sommeil") pendant le temps de l'exposition. Une forte dose de lumière peut d'ailleurs remettre à l'heure l'horloge biologique après un décalage horaire et elle permet aussi de traiter les dépressions saisonnières.
Mais pourquoi l'horloge biologique ne s'adapte-t-elle pas à l'horaire du travailleur de nuit? "Chez les travailleurs de nuit, il est rare que l'horloge biologique s'ajuste à l'horaire de nuit, car seul le cycle activité-repos est modifié alors que tous les signes environnementaux (en particulier le cycle lumière-obscurité) continuent d'entraîner l'horloge biologique dans le cycle jour-nuit extérieur", répond Marie Dumont.
La question a suscité la curiosité de la chercheuse puisqu'elle a entrepris une seconde recherche sur le sujet auprès des infirmières de nuit. "Nous pensions que l'horloge biologique de celles qui n'ont pas de problèmes à dormir le jour s'adaptait à leur horaire de nuit, mentionne Marie Dumont, mais cela n'est pas le cas chez tout le monde."
L'équipe du Laboratoire de chronobiologie a utilisé la mesure de la mélatonine urinaire pour déterminer si l'horloge biologique s'adaptait. "L'heure du début et de la fin de la sécrétion de cette hormone est un bon marqueur, car c'est l'horloge biologique qui la contrôle", explique la chercheuse. Autrement dit, si la mélatonine est sécrétée pendant le jour (période de sommeil pour les infirmières de nuit), cela signifie que l'horloge biologique s'est adaptée. Et c'était le cas chez certaines des infirmières, mais le rythme circadien d'autres travailleuses ne s'était pas altéré et pourtant elles n'éprouvaient aucun problème.
"Ce phénomène est difficile à expliquer, avoue Marie Dumont. Le régulateur du rythme, l'horloge, se retrouve dans le cerveau, mais le mécanisme de l'horloge biologique est encore peu connu, pour ne pas dire obscur. En tout cas, la tolérance semble varier en partie selon l'âge. Toutefois, des caractéristiques individuelles pourraient aussi y être reliées, car nous avons observé des différences quant à la durée de la sécrétion de la mélatonine et de l'intensité du sommeil."
Une autre phase de la recherche sera bientôt réalisée et visera justement à décrire avec précision les caractéristiques des rythmes circadiens des travailleurs de nuit et à évaluer le rôle du cycle lumière-obscurité.


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