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15 août 2013

Les personnes en état végétatif : Est-ce juste de les considérer comme des « légumes » ?

mort_cerebraleLes séquelles de certains traumatismes crâniens comme de certaines défaillances cardiaques graves peuvent mener au coma, (du grec κῶμα/kôma qui signifie « sommeil profond »), qui est défini comme une abolition de la conscience et de la vigilance, non réversible par les stimulations, alors même que les fonctions végétatives (par définition les fonctions physiologiques indépendantes de la volonté comme la respiration, la digestion ou la circulation sanguine), sont plus ou moins bien conservées.
C’est ainsi qu’on parle d’EVC (Etat Végétatif Chronique) lorsque l’état végétatif persiste plus de 12 à 18 mois.
On estime que les personnes en EVC :
  • ne témoignent à l’évidence d’aucune conscience d’elles-mêmes ou de leur environnement ;
  • ne présentent aucun signe de compréhension ou d’expression du langage ;
  • n’offrent aucune réponse significative aux stimulations.
On parle plus spécifiquement d’EPR (Etat Pauci Relationnel, du latin « pauci » peu), lorsque ces personnes répondent seulement à quelques stimulations.
Plus l’état végétatif dure longtemps, plus les chances d’une évolution vers un retour à la conscience normale deviennent minimes, même si on a pu exceptionnellement observer des éveils chez des patients qui étaient en état végétatif depuis plus de 18 mois, (une quinzaine de cas seulement auraient été mentionnés dans les revues scientifiques), comme celui du jeune américain Terry Wallis qui est sorti du coma après 19 ans de soins de nursing.
Alors, les personnes en EVC sont-elles des « légumes » ?
Comme nous allons le voir, les personnes en coma dépassé (mort encéphalique) ne sont pas des personnes déjà mortes. Des expériences récentes du Centre de Recherche du Cyclotron (Coma Science Group) de l’université de Liège en Belgique ont montré que la conscience peut être préservée chez un patient pourtant diagnostiqué en état végétatif.
Une étude estime même que 40 % des patients que l’on pensait en Etat Végétatif ont en fait conscience de leur environnement et d’eux-mêmes à des degrés divers.
Le cas d’une anglaise de 23 ans :
En 2006, une jeune Anglaise de 23 ans subissait de graves lésions au cerveau après un accident de voiture. Paralysée, elle présentait tous les critères permettant le diagnostic d’état végétatif.
Utilisant un scanner à résonance magnétique fonctionnelle, les chercheurs ont cartographié l’activité cérébrale de cette patiente alors qu’il lui était demandé oralement de s’imaginer jouer au tennis ou se balader dans sa maison. A leur grande surprise, ils ont constaté qu’elle était capable de le faire, c’est-à-dire d’activer des aires de son cerveau identiques à celles activées par des volontaires en bonne santé auxquels les mêmes tâches étaient demandées.
Ces résultats démontrent que, malgré le diagnostic d’état végétatif, une personne peut conserver la capacité de comprendre des instructions orales et d’y répondre par son activité cérébrale, à défaut de paroles ou de gestes.
La décision de cette patiente de coopérer avec les chercheurs, en imaginant réaliser les tâches qui lui étaient demandées, marque une intention très claire de sa part qui confirme sans aucun doute possible qu’elle était « consciente d’elle-même et de son entourage. »
On lui avait collé l’étiquette « végétatif » alors qu’elle était – en réalité – en état de conscience minimal, elle percevait donc la douleur et avait des émotions…
De telles découvertes ont évidemment des conséquences importantes sur le plan éthique et thérapeutique, notamment en ce qui concerne la fin de vie de patients sévèrement handicapés.
Le cas d’une strasbourgeoise de 59 ans, Angèle Lieby :
En juillet 2009, Angèle Lieby se rend aux urgences d’un hôpital de Strasbourg pour une mauvaise migraine. Son état s’aggrave et on doit la plonger dans un coma artificiel. Quelques jours plus tard, les médecins n’arrivent pas à la réveiller : malgré toutes les stimulations, Angèle ne montre plus aucun signe de vie.
« Il faut la débrancher ! », finit-on par dire à son mari. Pourtant, le jour anniversaire de son mariage, sa fille voit une larme perler au coin de la paupière de sa mère. Angèle est non seulement vivante, mais parfaitement consciente, depuis le premier jour…
Elle raconte dans son livre « Une larme m’a sauvée », paru aux Editions Les Arènes, son expérience hors du commun, celle d’une femme enfermée dans son propre corps qui entendait tout, ressentait tout, sans pouvoir réagir (tout comme le héros de la nouvelle d’Emile Zola, La Mort d’Olivier Bécaille, dont je vous conseille vivement la lecture ou que vous pourrez écouter ici).
Vous trouverez, en cliquant sur ce lien, l’émouvant témoignage d’Angèle, extrait du « portrait de la semaine » (émission Sept-à-Huit, diffusée sur TF1 le 27/02/2011 et présentée par Harry Roselmack) :
Les enseignements de l’anthropologue Danielle Vermeulen :
Cette anthropologue s’est spécialisée dans l’étude des expériences de mort imminente NDE (Near Death Experience) et a développé la thèse selon laquelle la stimulation des personnes en état végétatif permet d’activer certaines zones de leur cerveau. C’est ainsi qu’elle conseille aux proches des personnes en EVC d’oser leur dévoiler ce que bien souvent on leur cache avec pudeur : leurs sentiments à leur égard.
Dans l’un de ses articles, elle décrit ce cas :
« Atteint cérébralement par un AVC, un de mes amis se retrouve dans un coma profond dont il ressort au bout de plus de quinze jours alors qu’un diagnostic très défavorable avait été posé.
Une rééducation est ensuite nécessaire notamment de la parole. Il vient un soir dîner chez moi et me dit : « A toi, je peux dire pourquoi je ne suis pas parti, tu peux comprendre » et il poursuit : « Là où j’étais, j’étais bien, mais chaque jour, quand j’étais dans le coma, je « voyais » mon fils et mon ex compagne à mon chevet et l’amour qu’ils me montraient était si fort que je me suis dit que je ne pouvais pas leur faire cela et je suis revenu ! ».
Cette femme qui a accompagné de nombreuses familles en désarroi est persuadée que l’amour peut faire revenir à la vie.
En conséquence elle ose dire qu’il est souhaitable que les familles démunies manifestent beaucoup d’espoir, de patience et surtout d’amour parce qu’elles ont un rôle actif à jouer, en équipe, avec le malade et les soignants.
A l’opposé, le Dr. Michel Hasselmann, dont le service de réanimation a accueilli Madame Lieby, souligne la rareté de son cas, et craint (sans doute légitimement) que le témoignage d’Angèle ne suscite « un espoir irréaliste à l’endroit des familles de personnes en coma profond » ?
Nous pouvons nous interroger sur cette notion « d’espoir irréaliste ». La charte des soins palliatifs en France, dans son point n°4, définit justement l’acharnement thérapeutique comme « l’attitude qui consiste à poursuivre une thérapeutique lourde à visée curative, qui n’aurait comme objet que de prolonger la vie sans tenir compte de sa qualité, alors qu’il n’existe aucun espoir raisonnable d’obtenir une amélioration de l’état du malade. »
Mais « l’espoir irréaliste » donc non raisonnable, ne vise aucune thérapeutique pour le malade. Il n’appartient qu’à celui qui le porte en lui. L’espoir qualifié « d’irréaliste » n’est-il pas toujours celui du jugement sur l’autre, de la part d’une personne qui prétendrait avoir accès à une connaissance à laquelle les autres n’auraient pas accès ?
Je suis tout à fait conscient de la difficulté émotionnelle que représente pour le soignant le fait de se retrouver, par exemple, en présence d’une mère qui – souffrant de voir son enfant en EVC – crie son espoir de le voir « revivre » un jour.
L’implication émotionnelle d’une famille blessée ne répond-elle pas toujours exactement à son besoin, au moment précis où elle en est, espoir qui deviendra ce que nous ne connaissons pas encore : soit l’espoir fou et récompensé de ceux qui n’ont jamais baissé les bras, soit le moment du déni de personnes qui à travers leur « espoir irréaliste » ont posé le pied sur la première marche d’un parcours si douloureux ?
Les aider ne sera-t-il pas d’accepter leur déni en les accompagnant d’une manière empathique donc respectueuse et réaliste, plutôt que de les « mettre en face de réalités » dont personne n’est certain ? Il est juste de faire part de nos doutes à une famille blessée quant à la possibilité de récupération d’un des siens, mais n’est-il pas douteux de lui asséner avec certitude ce dont – justement – personne n’est certain. N’est-ce pas notre communication nuancée – donc respectueuse – qui pourra agir pour la famille comme un baume apaisant ?
La prise en charge des personnes en état végétatif est éprouvante pour les soignants parce qu’elle épuise leur énergie dans une relation qui semble ne rien offrir en retour. Elle les épuise aussi dans leur relation aux familles qui résistent au deuil au moment où, les soignants, eux, n’ont plus d’espoir raisonnable d’avoir confiance en l’avenir.
Mais si plutôt que de se laisser convaincre (abuser parfois) par les apparences, le soignant parvient à en rester à la constatation sobre de la réalité, il pourra découvrir que le regard d’un patient en EPR qui semble s’animer, comme la parole d’espérance d’une mère en détresse lui permettront même de donner pleinement sens à son rôle d’écoute et de compréhension empathique.
Le délicat problème de la douleur (Emission « C dans l’air » du 02/03/11, sur France 5, animée par Yves Calvi) :
Il y a 15 ans – nous explique un spécialiste – les bébés n’étaient pas anesthésiés lors d’une intervention chirurgicale ou d’un acte douloureux, on pensait que ce n’était pas nécessaire puisqu’on croyait que leur système nerveux était immature et qu’ils ne ressentaient pas la douleur. Aujourd’hui, alors que la douleur encéphalique des bébés est reconnue par tous, cela nous paraît carrément inhumain…
« Pensez à la quantité d’actes médicaux ou chirurgicaux sans anesthésie au préalable qui nous paraîtront barbares dans 30 ans », ajoute ce même spécialiste à un Yves Calvi consterné…
Parce que la douleur est une perception subjective qui s’évalue sur la base de ce que communique directement le patient, on a pu penser qu’une personne en coma profond ne la percevait pas.
Une personne dans le coma peut-elle donc ressentir la douleur ? Oui, répond Angèle Lieby qui a ressenti une douleur insupportable au moment où, un médecin désireux de montrer à ses collègues externes « comment on voit qu’une personne est vivante ou morte », lui a violemment tordu le téton…
Considérer quelqu’un comme vivant, alors même qu’il semble plongé dans un coma irréversible, cela permettra de ne pas devoir lui enfoncer sans ménagement des instruments métalliques dans la gorge, de ne pas le retourner comme un paquet de viande, et de ne pas dire, au pied de son lit, « elle va bientôt clamser »… expériences douloureuses vécues par Angèle.
Toujours dans l’émission d’Yves Calvi (retranscrite sur le blog Ethics, Health and Death), un spécialiste commence par rappeler les trois composantes de toute anesthésie :
  1. un barbiturique hypnotique pour endormir ;
  2. un curare pour que le chirurgien puisse travailler : c’est un myorelaxant, donc une substance qui permet le relâchement musculaire, l’immobilisation. Mais ce n’est pas un anesthésiant (antidouleur) ;
  3. un opioïde (famille des opiacés) pour que le patient ne ressente pas la douleur.
Il affirme ensuite que même un être considéré comme cliniquement mort comme le donneur d’organes est un patient et non une chose ou un simple réservoir d’organes. Il se trouve dans un état irréversible, et c’est l’irréversibilité de son état qui constitue le fondement éthique au prélèvement de ses organes vitaux, (en effet, le patient se trouve dans un tel état que le prélèvement de ses organes vitaux ne constitue plus un préjudice pour lui…) Ce discours, au plus près des réalités, justifie ce geste humain : anesthésier le donneur d’organes.
L’anesthésie du donneur d’organes n’est pas obligatoire en France, mais simplement conseillée, puisqu’avant les premières lois bioéthiques (qui datent de 1994), il n’y avait pas de budget consacré à son anesthésie.
Aujourd’hui, le code de déontologie médicale, article 37, « est complété par un 3ème titre, qui prévoit que « lorsqu’une limitation ou un arrêt de traitement a été décidé, le médecin, même si la souffrance du patient ne peut pas être évaluée par la communication (du fait de son état cérébral), met en œuvre les traitements, notamment antalgiques et sédatifs. »
Le Dr. Piernick Cressard, du Conseil National de l’Ordre des Médecins, ajoute : « ce n’est pas parce que le patient est en incapacité d’exprimer sa douleur qu’il ne souffre pas. Nous devions prendre en compte la douleur encéphalique, qui n’est pas publique. » (Une douleur non publique étant une douleur non connue de tous.)
Quand il n’est pas possible de communiquer verbalement avec un patient à propos de la douleur qui est la sienne, on utilise aujourd’hui des moyens d’évaluation indirects tels que l’observation du comportement ou des mesures physiologiques.
Des équipes s’appliquent à développer et valider ces échelles de douleur tout spécialement destinées à évaluer la douleur des patients déments, des enfants nouveaux-nés et préverbaux, des patients intubés et sédatés, comme des patients sévèrement cérébro-lésés en EVC ou en EPR. On appelle cette échelle la « Coma Pain Scale ».
C’est ainsi que de nombreuses études – qui n’ont pas eu beaucoup d’écho en France – ont pu mettre en évidence la réalité d’une vie consciente chez des personnes en état apparent de fin de vie.
Angèle Lieby conclut son partage par ces mots : « Je n’ai pas fait ce livre pour critiquer l’euthanasie… Franchement moi-même je voulais qu’on me débranche… Mais si ça peut donner de l’espoir à ceux qui croient leur proche parti, si on peut respecter davantage les gens dans le coma, alors je pourrai mourir tranquille quand mon heure viendra ! (…) Tant qu’on n’est pas mort, on est vivant ! »
L’aventure incroyable du Dr. Jill Bolte Taylor :
Après un accident vasculaire cérébral (AVC), le Dr. Jill Bolte Taylor – chercheuse en neurosciences à l’université d’Harward – se retrouve à l’hôpital, incapable d’établir la moindre relation avec son entourage mais parfaitement lucide : « Je ne savais plus marcher ni parler ni lire ni écrire ni même me tourner dans mon lit et pourtant il me semblait évident que tout allait bien. » Transférée en soins intensifs à l’unité de neurologie, elle s’est sentie à bien des reprises mal traitée par un entourage incapable de communiquer avec elle.
Récemment, en formation, alors que nous réfléchissions ensemble à l’attitude juste à avoir vis-à-vis d’une personne qui ressemble à un « légume », une infirmière prend la parole pour répondre à une collègue qui lui disait que tous les patients en état végétatif n’étaient pas conscients : « Pour moi, l’important, c’est de croire qu’ils peuvent l’être. »
Le Dr. Taylor partage à quel point ce type d’attitude est précieuse : « Je suis devenue très attentive à l’influence qu’exerçait sur moi mon entourage. Certains me communiquaient leur énergie alors que d’autres au contraire me pompaient la mienne. Une infirmière en particulier redoublait de prévenance avec moi : Est-ce que j’avais froid ? Soif ? Mal quelque part ? Naturellement, je me sentais en sécurité auprès d’elle. Elle cherchait sans cesse à capter mon regard en créant autour de moi un cocon protecteur qui faciliterait ma guérison. A l’inverse, une autre infirmière, qui ne me jetait jamais un coup d’œil, traînait sans arrêt les pieds comme une âme en peine. Elle m’a donné une brique de lait sans s’aviser qu’il me manquait la dextérité requise pour l’ouvrir. Je mourais d’envie de boire quelque chose de consistant mais elle n’a pas tenu compte de mes besoins. Elle élevait la voix en s’adressant à moi sans se rendre compte que je n’étais pas sourde. (…) Je n’étais pas très rassurée en sa présence. »
Elle poursuit: « L’incapacité de la communauté médicale à communiquer avec quelqu’un dans mon état m’a consternée. (…) A tort, mes médecins ont évalué mes facultés cognitives en fonction de ma promptitude à me rappeler telle ou telle information au lieu de s’attacher au trajet mental qui me permettrait de la retrouver. (…) J’aurais voulu que mes médecins s’intéressent au nouveau fonctionnement de mon cerveau plutôt que de s’assurer que celui-ci correspondait bien à leurs critères d’évaluation. »
Elle confirme par là même la formule paradoxale du moine Zen Suzuki Roshi « Dans l’esprit du débutant, il y a de nombreuses possibilités, dans celui du spécialiste, il y en a peu. »
L’attitude de base de l’accompagnant est de sans cesse lutter pour ne pas se laisser abuser par les apparences issues de ses perceptions subjectives, afin de « seulement voir comment sont les choses pour le patient et accepter ce constat. »
Elle raconte qu’un étudiant en médecine est venu l’examiner en commençant par poser une main sur son bras, qu’il lui a parlé sans hausser le ton, l’a regardée droit dans les yeux en n’hésitant pas à lui répéter ses propos lorsque c’était nécessaire. Elle s’est alors sentie en sécurité parce que respectée. Et quand deux de ses collègues sont venus lui rendre visite à l’unité de soins intensifs et qu’ils lui ont remonté le moral en lui affirmant : « c’est bien toi Jill ; tu vas t’en sortir ! », elle partage : « leur absolue certitude de me voir un jour de nouveau sur pied m’a apporté un secours inestimable. »
Le Dr. Taylor confirme donc l’intuition de l’anthropologue Danielle Vermeulen : que l’amour participe à faire revenir à la vie. Il est d’ailleurs stupéfiant que nous n’en soyons pas convaincus et que nous n’apprenions pas plus à mettre en œuvre la bienveillance, le respect et la compassion dans nos divers rôles d’accompagnants. N’avons-nous pas tous ressenti, au moins une fois dans notre vie – dans notre chair – le trésor inestimable du regard respectueux et bienveillant de l’autre ?
Etre aidant, accompagnant, n’est-ce pas d’abord se souvenir que le regard que nous posons sur les personnes malades détermine en retour le sentiment qu’elles vont avoir vis-à-vis de nous-mêmes, mais surtout vis-à-vis d’elles-mêmes et que ce sentiment participe à leur guérison ?
Il s’agit de se souvenir qu’un être humain a d’autant plus le droit au respect dû à la personne humaine qu’il se trouve dans un état de grande fragilité.
Pour ce faire, ne considérons donc plus que les personnes qui sont dans le coma sont déjà mortes et que nous pouvons nous en servir comme cobayes.
Je sais que ces paroles peuvent être considérées comme choquantes mais il est essentiel que nous les entendions et que nous les partagions – autant que faire se peut – avec les personnes qui pourront les entendre.
Les images qui nous sont montrées par l’IRM fonctionnelle sont susceptibles de nous en donner la preuve lorsque les patients sont présents et souhaitent réagir aux stimuli qui leur sont proposés, encore faut-il que nous les utilisions.
Ceci étant fait, les conclusions que nous tirerons de nos constatations seront à considérer avec le plus grand respect, s’il est vrai que l’amour peut devenir une arme à double tranchant en aidant à maintenir en vie – pour ses proches – un patient qui désirerait partir.
Il faut donc que toute l’équipe soignante soit attentive à la manière dont les malades leur diront « chacun à leur façon », ce qu’ils souhaitent pour eux-mêmes.
Ne nous hâtons pas trop dans des interprétations qui risquent d’être le reflet de ce que nous voudrions pour nous-mêmes ou pour l’un des nôtres… Une conscience est là, unique, qui continue d’être, malgré le grave traumatisme qui a placé cet être humain dans un état végétatif.
Les conclusions du Dr. Jill Bolte Taylor :
Des années après son accident, le Dr. Taylor est infatigable, non seulement elle raconte son aventure dans de nombreuses revues scientifiques destinées au grand public, mais elle fait des conférences et participe à des émissions de télévision partout dans le monde pour tenter de dire la « plasticité du cerveau humain ».
A la fin de son livre « Voyage au-delà de mon cerveau », elle partage « mon AVC a été un don du ciel dans la mesure où il m’a permis de décider de ma manière d’être au monde. »
De mon point de vue, son AVC a été également un don du ciel parce qu’il nous permet (à nous aidants), de découvrir de l’intérieur, les attitudes « à avoir » ou « à ne pas avoir » pour respecter aux mieux les personnes en état végétatif ou pauci relationnel.
En appendice de son livre, elle livre aux accompagnants « quarante recommandations en vue de la guérison », (et souvenons-nous que même s’il n’y a pas d’espoir de guérison, c’est notre rôle de faire comme s’il y en avait un).
J’en retiens sept qui me paraissent essentielles :
  • Je ne suis pas une idiote (un « légume »). Je souffre tout simplement. Accordez-moi un minimum de respect s’il vous plait ! Regardez-moi, je suis là, encouragez-moi.
  • Ne perdez pas patience, même si vous m’enseignez la même chose pour la vingtième fois.
  • Croyez-moi, je fais de mon mieux. N’établissez pas de comparaison avec ce dont vous êtes capable.
  • N’évaluez pas mes capacités cognitives en fonction de la vitesse à laquelle je réfléchis.
  • Traitez-moi avec douceur et gentillesse comme vous traiteriez un nouveau-né. Aimez-moi tel que je suis. N’insistez pas pour que je redevienne comme avant.
  • Réjouissez-vous de mes succès plutôt que de vous lamenter de mes échecs.
  • Protégez-moi mais pas au point d’entraver mes progrès.
En conclusion :
M’étant interrogé sur l’étymologie du mot « végétatif », je découvre qu’il vient du latin « vegetare » de la famille de « veiller », (latin vigilare, « être éveillé ; être attentif ») et remonte à une racine indo-européenne « °weg(e) » signifiant « être fort, dispos » à laquelle se rattachent le latin vegere « animer ; être vif » et vegetus « vif, dispos » (qui donnera végéter, végétal.)
Ce n’est que vers 1835 que le mot « végéter » prendra son sens moderne de « rester dans une situation médiocre », synonyme de s’encroûter.
Une personne en « état végétatif », serait donc – étymologiquement – une personne vivante et en pleine conscience puisqu’éveillée, disponible et attentive, comme l’étaient la jeune Anglaise de 23 ans, Angèle Lieby dans son coma, et le Docteur Taylor après son AVC…
Il n’est donc pas juste de considérer une personne en état végétatif comme un « légume », nos connaissances sur les différents états de conscience n’en étant qu’à leur balbutiement.
Le rôle du soignant ne repose-t-il pas sur l’évidence que du moment qu’il y a de la vie (ne serait-ce que végétative), il est essentiel de l’accompagner ?
Il lui faut donc agir selon le principe de précaution, dans ces unités EVC, où puisque les patients peuvent être conscients (au moment même où tout peut laisser penser qu’ils ne le sont pas), il a à agir comme s’ils l’étaieient.
Un Ontarien qui se trouve dans un état qualifié de neurovégétatif depuis plus d'une décennie a été en mesure de communiquer avec ses médecins et de leur dire qu'il ne souffrait d'aucune douleur physique.
Scott Routley, 39 ans, a subi un grave accident de voiture il y a 12 ans. À ce jour, les techniques d'évaluation traditionnelles ne permettaient pas de montrer qu'il était conscient ou capable de communiquer.
En fait, la médecine considère habituellement que les personnes dans un état végétatif n'ont aucune perception d'elles-mêmes ni du monde extérieur.
Des scientifiques de l'Université Western Ontario affirment aujourd'hui que l'homme répond aux questions qui lui sont posées.
« Scott nous a prouvé qu'il est conscient. Nous avons analysé plusieurs fois son activité cérébrale et nous pensons qu'il choisit clairement de répondre à nos questions. Nous croyons qu'il sait qui il est et où il se trouve. » — Dr Adrian Owen
Le Dr Adrian Owen et ses collègues ont enregistré l'activité cérébrale du patient pendant qu'on lui posait des questions.
L'équipe de recherche affirme que l'analyse de son activité cérébrale numérisée par imagerie par résonnance magnétique fonctionnelle permet de saisir sa réponse à certaines questions.
Ce type d'imagerie mesure en temps réel l'activité cérébrale en suivant la circulation sanguine. Le Dr Owen explique que certaines tendances sont perceptibles lorsque le patient est interrogé. Selon le chercheur, cette activité montre un état de conscience.
C'est la première fois qu'un patient incapable de communiquer à la suite de lésions graves au cerveau donne des réponses cliniquement pertinentes à ses soins.
« Scott nous a prouvé qu'il est conscient. Nous avons analysé plusieurs fois son activité cérébrale et nous pensons qu'il choisit clairement de répondre à nos questions. Nous croyons qu'il sait qui il est et où il se trouve. » — Dr Adrian Owen
Les parents de Scott Routley ont toujours pensé qu'il était conscient et ils ont toujours affirmé qu'il pouvait communiquer en bougeant un doigt ou un oeil. Leur conviction n'avait toutefois jamais trouvé une oreille attentive auprès du personnel médical.
Un autre Canadien, Steven Graham, a aussi montré qu'il était capable de former de nouveaux souvenirs depuis sa blessure. Il répond oui quand on lui demande si sa soeur a une fille. Sa nièce est née après sa blessure, il y a cinq ans.
Ces travaux sont l'objet d'un documentaire présenté dans le cadre de la série Panorama diffusée par la BBC.


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Les personnes en état végétatif : Est-ce juste de les considérer comme des « légumes » ?

mort_cerebraleLes séquelles de certains traumatismes crâniens comme de certaines défaillances cardiaques graves peuvent mener au coma, (du grec κῶμα/kôma qui signifie « sommeil profond »), qui est défini comme une abolition de la conscience et de la vigilance, non réversible par les stimulations, alors même que les fonctions végétatives (par définition les fonctions physiologiques indépendantes de la volonté comme la respiration, la digestion ou la circulation sanguine), sont plus ou moins bien conservées.
C’est ainsi qu’on parle d’EVC (Etat Végétatif Chronique) lorsque l’état végétatif persiste plus de 12 à 18 mois.
On estime que les personnes en EVC :
  • ne témoignent à l’évidence d’aucune conscience d’elles-mêmes ou de leur environnement ;
  • ne présentent aucun signe de compréhension ou d’expression du langage ;
  • n’offrent aucune réponse significative aux stimulations.
On parle plus spécifiquement d’EPR (Etat Pauci Relationnel, du latin « pauci » peu), lorsque ces personnes répondent seulement à quelques stimulations.
Plus l’état végétatif dure longtemps, plus les chances d’une évolution vers un retour à la conscience normale deviennent minimes, même si on a pu exceptionnellement observer des éveils chez des patients qui étaient en état végétatif depuis plus de 18 mois, (une quinzaine de cas seulement auraient été mentionnés dans les revues scientifiques), comme celui du jeune américain Terry Wallis qui est sorti du coma après 19 ans de soins de nursing.
Alors, les personnes en EVC sont-elles des « légumes » ?
Comme nous allons le voir, les personnes en coma dépassé (mort encéphalique) ne sont pas des personnes déjà mortes. Des expériences récentes du Centre de Recherche du Cyclotron (Coma Science Group) de l’université de Liège en Belgique ont montré que la conscience peut être préservée chez un patient pourtant diagnostiqué en état végétatif.
Une étude estime même que 40 % des patients que l’on pensait en Etat Végétatif ont en fait conscience de leur environnement et d’eux-mêmes à des degrés divers.
Le cas d’une anglaise de 23 ans :
En 2006, une jeune Anglaise de 23 ans subissait de graves lésions au cerveau après un accident de voiture. Paralysée, elle présentait tous les critères permettant le diagnostic d’état végétatif.
Utilisant un scanner à résonance magnétique fonctionnelle, les chercheurs ont cartographié l’activité cérébrale de cette patiente alors qu’il lui était demandé oralement de s’imaginer jouer au tennis ou se balader dans sa maison. A leur grande surprise, ils ont constaté qu’elle était capable de le faire, c’est-à-dire d’activer des aires de son cerveau identiques à celles activées par des volontaires en bonne santé auxquels les mêmes tâches étaient demandées.
Ces résultats démontrent que, malgré le diagnostic d’état végétatif, une personne peut conserver la capacité de comprendre des instructions orales et d’y répondre par son activité cérébrale, à défaut de paroles ou de gestes.
La décision de cette patiente de coopérer avec les chercheurs, en imaginant réaliser les tâches qui lui étaient demandées, marque une intention très claire de sa part qui confirme sans aucun doute possible qu’elle était « consciente d’elle-même et de son entourage. »
On lui avait collé l’étiquette « végétatif » alors qu’elle était – en réalité – en état de conscience minimal, elle percevait donc la douleur et avait des émotions…
De telles découvertes ont évidemment des conséquences importantes sur le plan éthique et thérapeutique, notamment en ce qui concerne la fin de vie de patients sévèrement handicapés.
Le cas d’une strasbourgeoise de 59 ans, Angèle Lieby :
En juillet 2009, Angèle Lieby se rend aux urgences d’un hôpital de Strasbourg pour une mauvaise migraine. Son état s’aggrave et on doit la plonger dans un coma artificiel. Quelques jours plus tard, les médecins n’arrivent pas à la réveiller : malgré toutes les stimulations, Angèle ne montre plus aucun signe de vie.
« Il faut la débrancher ! », finit-on par dire à son mari. Pourtant, le jour anniversaire de son mariage, sa fille voit une larme perler au coin de la paupière de sa mère. Angèle est non seulement vivante, mais parfaitement consciente, depuis le premier jour…
Elle raconte dans son livre « Une larme m’a sauvée », paru aux Editions Les Arènes, son expérience hors du commun, celle d’une femme enfermée dans son propre corps qui entendait tout, ressentait tout, sans pouvoir réagir (tout comme le héros de la nouvelle d’Emile Zola, La Mort d’Olivier Bécaille, dont je vous conseille vivement la lecture ou que vous pourrez écouter ici).
Vous trouverez, en cliquant sur ce lien, l’émouvant témoignage d’Angèle, extrait du « portrait de la semaine » (émission Sept-à-Huit, diffusée sur TF1 le 27/02/2011 et présentée par Harry Roselmack) :
Les enseignements de l’anthropologue Danielle Vermeulen :
Cette anthropologue s’est spécialisée dans l’étude des expériences de mort imminente NDE (Near Death Experience) et a développé la thèse selon laquelle la stimulation des personnes en état végétatif permet d’activer certaines zones de leur cerveau. C’est ainsi qu’elle conseille aux proches des personnes en EVC d’oser leur dévoiler ce que bien souvent on leur cache avec pudeur : leurs sentiments à leur égard.
Dans l’un de ses articles, elle décrit ce cas :
« Atteint cérébralement par un AVC, un de mes amis se retrouve dans un coma profond dont il ressort au bout de plus de quinze jours alors qu’un diagnostic très défavorable avait été posé.
Une rééducation est ensuite nécessaire notamment de la parole. Il vient un soir dîner chez moi et me dit : « A toi, je peux dire pourquoi je ne suis pas parti, tu peux comprendre » et il poursuit : « Là où j’étais, j’étais bien, mais chaque jour, quand j’étais dans le coma, je « voyais » mon fils et mon ex compagne à mon chevet et l’amour qu’ils me montraient était si fort que je me suis dit que je ne pouvais pas leur faire cela et je suis revenu ! ».
Cette femme qui a accompagné de nombreuses familles en désarroi est persuadée que l’amour peut faire revenir à la vie.
En conséquence elle ose dire qu’il est souhaitable que les familles démunies manifestent beaucoup d’espoir, de patience et surtout d’amour parce qu’elles ont un rôle actif à jouer, en équipe, avec le malade et les soignants.
A l’opposé, le Dr. Michel Hasselmann, dont le service de réanimation a accueilli Madame Lieby, souligne la rareté de son cas, et craint (sans doute légitimement) que le témoignage d’Angèle ne suscite « un espoir irréaliste à l’endroit des familles de personnes en coma profond » ?
Nous pouvons nous interroger sur cette notion « d’espoir irréaliste ». La charte des soins palliatifs en France, dans son point n°4, définit justement l’acharnement thérapeutique comme « l’attitude qui consiste à poursuivre une thérapeutique lourde à visée curative, qui n’aurait comme objet que de prolonger la vie sans tenir compte de sa qualité, alors qu’il n’existe aucun espoir raisonnable d’obtenir une amélioration de l’état du malade. »
Mais « l’espoir irréaliste » donc non raisonnable, ne vise aucune thérapeutique pour le malade. Il n’appartient qu’à celui qui le porte en lui. L’espoir qualifié « d’irréaliste » n’est-il pas toujours celui du jugement sur l’autre, de la part d’une personne qui prétendrait avoir accès à une connaissance à laquelle les autres n’auraient pas accès ?
Je suis tout à fait conscient de la difficulté émotionnelle que représente pour le soignant le fait de se retrouver, par exemple, en présence d’une mère qui – souffrant de voir son enfant en EVC – crie son espoir de le voir « revivre » un jour.
L’implication émotionnelle d’une famille blessée ne répond-elle pas toujours exactement à son besoin, au moment précis où elle en est, espoir qui deviendra ce que nous ne connaissons pas encore : soit l’espoir fou et récompensé de ceux qui n’ont jamais baissé les bras, soit le moment du déni de personnes qui à travers leur « espoir irréaliste » ont posé le pied sur la première marche d’un parcours si douloureux ?
Les aider ne sera-t-il pas d’accepter leur déni en les accompagnant d’une manière empathique donc respectueuse et réaliste, plutôt que de les « mettre en face de réalités » dont personne n’est certain ? Il est juste de faire part de nos doutes à une famille blessée quant à la possibilité de récupération d’un des siens, mais n’est-il pas douteux de lui asséner avec certitude ce dont – justement – personne n’est certain. N’est-ce pas notre communication nuancée – donc respectueuse – qui pourra agir pour la famille comme un baume apaisant ?
La prise en charge des personnes en état végétatif est éprouvante pour les soignants parce qu’elle épuise leur énergie dans une relation qui semble ne rien offrir en retour. Elle les épuise aussi dans leur relation aux familles qui résistent au deuil au moment où, les soignants, eux, n’ont plus d’espoir raisonnable d’avoir confiance en l’avenir.
Mais si plutôt que de se laisser convaincre (abuser parfois) par les apparences, le soignant parvient à en rester à la constatation sobre de la réalité, il pourra découvrir que le regard d’un patient en EPR qui semble s’animer, comme la parole d’espérance d’une mère en détresse lui permettront même de donner pleinement sens à son rôle d’écoute et de compréhension empathique.
Le délicat problème de la douleur (Emission « C dans l’air » du 02/03/11, sur France 5, animée par Yves Calvi) :
Il y a 15 ans – nous explique un spécialiste – les bébés n’étaient pas anesthésiés lors d’une intervention chirurgicale ou d’un acte douloureux, on pensait que ce n’était pas nécessaire puisqu’on croyait que leur système nerveux était immature et qu’ils ne ressentaient pas la douleur. Aujourd’hui, alors que la douleur encéphalique des bébés est reconnue par tous, cela nous paraît carrément inhumain…
« Pensez à la quantité d’actes médicaux ou chirurgicaux sans anesthésie au préalable qui nous paraîtront barbares dans 30 ans », ajoute ce même spécialiste à un Yves Calvi consterné…
Parce que la douleur est une perception subjective qui s’évalue sur la base de ce que communique directement le patient, on a pu penser qu’une personne en coma profond ne la percevait pas.
Une personne dans le coma peut-elle donc ressentir la douleur ? Oui, répond Angèle Lieby qui a ressenti une douleur insupportable au moment où, un médecin désireux de montrer à ses collègues externes « comment on voit qu’une personne est vivante ou morte », lui a violemment tordu le téton…
Considérer quelqu’un comme vivant, alors même qu’il semble plongé dans un coma irréversible, cela permettra de ne pas devoir lui enfoncer sans ménagement des instruments métalliques dans la gorge, de ne pas le retourner comme un paquet de viande, et de ne pas dire, au pied de son lit, « elle va bientôt clamser »… expériences douloureuses vécues par Angèle.
Toujours dans l’émission d’Yves Calvi (retranscrite sur le blog Ethics, Health and Death), un spécialiste commence par rappeler les trois composantes de toute anesthésie :
  1. un barbiturique hypnotique pour endormir ;
  2. un curare pour que le chirurgien puisse travailler : c’est un myorelaxant, donc une substance qui permet le relâchement musculaire, l’immobilisation. Mais ce n’est pas un anesthésiant (antidouleur) ;
  3. un opioïde (famille des opiacés) pour que le patient ne ressente pas la douleur.
Il affirme ensuite que même un être considéré comme cliniquement mort comme le donneur d’organes est un patient et non une chose ou un simple réservoir d’organes. Il se trouve dans un état irréversible, et c’est l’irréversibilité de son état qui constitue le fondement éthique au prélèvement de ses organes vitaux, (en effet, le patient se trouve dans un tel état que le prélèvement de ses organes vitaux ne constitue plus un préjudice pour lui…) Ce discours, au plus près des réalités, justifie ce geste humain : anesthésier le donneur d’organes.
L’anesthésie du donneur d’organes n’est pas obligatoire en France, mais simplement conseillée, puisqu’avant les premières lois bioéthiques (qui datent de 1994), il n’y avait pas de budget consacré à son anesthésie.
Aujourd’hui, le code de déontologie médicale, article 37, « est complété par un 3ème titre, qui prévoit que « lorsqu’une limitation ou un arrêt de traitement a été décidé, le médecin, même si la souffrance du patient ne peut pas être évaluée par la communication (du fait de son état cérébral), met en œuvre les traitements, notamment antalgiques et sédatifs. »
Le Dr. Piernick Cressard, du Conseil National de l’Ordre des Médecins, ajoute : « ce n’est pas parce que le patient est en incapacité d’exprimer sa douleur qu’il ne souffre pas. Nous devions prendre en compte la douleur encéphalique, qui n’est pas publique. » (Une douleur non publique étant une douleur non connue de tous.)
Quand il n’est pas possible de communiquer verbalement avec un patient à propos de la douleur qui est la sienne, on utilise aujourd’hui des moyens d’évaluation indirects tels que l’observation du comportement ou des mesures physiologiques.
Des équipes s’appliquent à développer et valider ces échelles de douleur tout spécialement destinées à évaluer la douleur des patients déments, des enfants nouveaux-nés et préverbaux, des patients intubés et sédatés, comme des patients sévèrement cérébro-lésés en EVC ou en EPR. On appelle cette échelle la « Coma Pain Scale ».
C’est ainsi que de nombreuses études – qui n’ont pas eu beaucoup d’écho en France – ont pu mettre en évidence la réalité d’une vie consciente chez des personnes en état apparent de fin de vie.
Angèle Lieby conclut son partage par ces mots : « Je n’ai pas fait ce livre pour critiquer l’euthanasie… Franchement moi-même je voulais qu’on me débranche… Mais si ça peut donner de l’espoir à ceux qui croient leur proche parti, si on peut respecter davantage les gens dans le coma, alors je pourrai mourir tranquille quand mon heure viendra ! (…) Tant qu’on n’est pas mort, on est vivant ! »
L’aventure incroyable du Dr. Jill Bolte Taylor :
Après un accident vasculaire cérébral (AVC), le Dr. Jill Bolte Taylor – chercheuse en neurosciences à l’université d’Harward – se retrouve à l’hôpital, incapable d’établir la moindre relation avec son entourage mais parfaitement lucide : « Je ne savais plus marcher ni parler ni lire ni écrire ni même me tourner dans mon lit et pourtant il me semblait évident que tout allait bien. » Transférée en soins intensifs à l’unité de neurologie, elle s’est sentie à bien des reprises mal traitée par un entourage incapable de communiquer avec elle.
Récemment, en formation, alors que nous réfléchissions ensemble à l’attitude juste à avoir vis-à-vis d’une personne qui ressemble à un « légume », une infirmière prend la parole pour répondre à une collègue qui lui disait que tous les patients en état végétatif n’étaient pas conscients : « Pour moi, l’important, c’est de croire qu’ils peuvent l’être. »
Le Dr. Taylor partage à quel point ce type d’attitude est précieuse : « Je suis devenue très attentive à l’influence qu’exerçait sur moi mon entourage. Certains me communiquaient leur énergie alors que d’autres au contraire me pompaient la mienne. Une infirmière en particulier redoublait de prévenance avec moi : Est-ce que j’avais froid ? Soif ? Mal quelque part ? Naturellement, je me sentais en sécurité auprès d’elle. Elle cherchait sans cesse à capter mon regard en créant autour de moi un cocon protecteur qui faciliterait ma guérison. A l’inverse, une autre infirmière, qui ne me jetait jamais un coup d’œil, traînait sans arrêt les pieds comme une âme en peine. Elle m’a donné une brique de lait sans s’aviser qu’il me manquait la dextérité requise pour l’ouvrir. Je mourais d’envie de boire quelque chose de consistant mais elle n’a pas tenu compte de mes besoins. Elle élevait la voix en s’adressant à moi sans se rendre compte que je n’étais pas sourde. (…) Je n’étais pas très rassurée en sa présence. »
Elle poursuit: « L’incapacité de la communauté médicale à communiquer avec quelqu’un dans mon état m’a consternée. (…) A tort, mes médecins ont évalué mes facultés cognitives en fonction de ma promptitude à me rappeler telle ou telle information au lieu de s’attacher au trajet mental qui me permettrait de la retrouver. (…) J’aurais voulu que mes médecins s’intéressent au nouveau fonctionnement de mon cerveau plutôt que de s’assurer que celui-ci correspondait bien à leurs critères d’évaluation. »
Elle confirme par là même la formule paradoxale du moine Zen Suzuki Roshi « Dans l’esprit du débutant, il y a de nombreuses possibilités, dans celui du spécialiste, il y en a peu. »
L’attitude de base de l’accompagnant est de sans cesse lutter pour ne pas se laisser abuser par les apparences issues de ses perceptions subjectives, afin de « seulement voir comment sont les choses pour le patient et accepter ce constat. »
Elle raconte qu’un étudiant en médecine est venu l’examiner en commençant par poser une main sur son bras, qu’il lui a parlé sans hausser le ton, l’a regardée droit dans les yeux en n’hésitant pas à lui répéter ses propos lorsque c’était nécessaire. Elle s’est alors sentie en sécurité parce que respectée. Et quand deux de ses collègues sont venus lui rendre visite à l’unité de soins intensifs et qu’ils lui ont remonté le moral en lui affirmant : « c’est bien toi Jill ; tu vas t’en sortir ! », elle partage : « leur absolue certitude de me voir un jour de nouveau sur pied m’a apporté un secours inestimable. »
Le Dr. Taylor confirme donc l’intuition de l’anthropologue Danielle Vermeulen : que l’amour participe à faire revenir à la vie. Il est d’ailleurs stupéfiant que nous n’en soyons pas convaincus et que nous n’apprenions pas plus à mettre en œuvre la bienveillance, le respect et la compassion dans nos divers rôles d’accompagnants. N’avons-nous pas tous ressenti, au moins une fois dans notre vie – dans notre chair – le trésor inestimable du regard respectueux et bienveillant de l’autre ?
Etre aidant, accompagnant, n’est-ce pas d’abord se souvenir que le regard que nous posons sur les personnes malades détermine en retour le sentiment qu’elles vont avoir vis-à-vis de nous-mêmes, mais surtout vis-à-vis d’elles-mêmes et que ce sentiment participe à leur guérison ?
Il s’agit de se souvenir qu’un être humain a d’autant plus le droit au respect dû à la personne humaine qu’il se trouve dans un état de grande fragilité.
Pour ce faire, ne considérons donc plus que les personnes qui sont dans le coma sont déjà mortes et que nous pouvons nous en servir comme cobayes.
Je sais que ces paroles peuvent être considérées comme choquantes mais il est essentiel que nous les entendions et que nous les partagions – autant que faire se peut – avec les personnes qui pourront les entendre.
Les images qui nous sont montrées par l’IRM fonctionnelle sont susceptibles de nous en donner la preuve lorsque les patients sont présents et souhaitent réagir aux stimuli qui leur sont proposés, encore faut-il que nous les utilisions.
Ceci étant fait, les conclusions que nous tirerons de nos constatations seront à considérer avec le plus grand respect, s’il est vrai que l’amour peut devenir une arme à double tranchant en aidant à maintenir en vie – pour ses proches – un patient qui désirerait partir.
Il faut donc que toute l’équipe soignante soit attentive à la manière dont les malades leur diront « chacun à leur façon », ce qu’ils souhaitent pour eux-mêmes.
Ne nous hâtons pas trop dans des interprétations qui risquent d’être le reflet de ce que nous voudrions pour nous-mêmes ou pour l’un des nôtres… Une conscience est là, unique, qui continue d’être, malgré le grave traumatisme qui a placé cet être humain dans un état végétatif.
Les conclusions du Dr. Jill Bolte Taylor :
Des années après son accident, le Dr. Taylor est infatigable, non seulement elle raconte son aventure dans de nombreuses revues scientifiques destinées au grand public, mais elle fait des conférences et participe à des émissions de télévision partout dans le monde pour tenter de dire la « plasticité du cerveau humain ».
A la fin de son livre « Voyage au-delà de mon cerveau », elle partage « mon AVC a été un don du ciel dans la mesure où il m’a permis de décider de ma manière d’être au monde. »
De mon point de vue, son AVC a été également un don du ciel parce qu’il nous permet (à nous aidants), de découvrir de l’intérieur, les attitudes « à avoir » ou « à ne pas avoir » pour respecter aux mieux les personnes en état végétatif ou pauci relationnel.
En appendice de son livre, elle livre aux accompagnants « quarante recommandations en vue de la guérison », (et souvenons-nous que même s’il n’y a pas d’espoir de guérison, c’est notre rôle de faire comme s’il y en avait un).
J’en retiens sept qui me paraissent essentielles :
  • Je ne suis pas une idiote (un « légume »). Je souffre tout simplement. Accordez-moi un minimum de respect s’il vous plait ! Regardez-moi, je suis là, encouragez-moi.
  • Ne perdez pas patience, même si vous m’enseignez la même chose pour la vingtième fois.
  • Croyez-moi, je fais de mon mieux. N’établissez pas de comparaison avec ce dont vous êtes capable.
  • N’évaluez pas mes capacités cognitives en fonction de la vitesse à laquelle je réfléchis.
  • Traitez-moi avec douceur et gentillesse comme vous traiteriez un nouveau-né. Aimez-moi tel que je suis. N’insistez pas pour que je redevienne comme avant.
  • Réjouissez-vous de mes succès plutôt que de vous lamenter de mes échecs.
  • Protégez-moi mais pas au point d’entraver mes progrès.
En conclusion :
M’étant interrogé sur l’étymologie du mot « végétatif », je découvre qu’il vient du latin « vegetare » de la famille de « veiller », (latin vigilare, « être éveillé ; être attentif ») et remonte à une racine indo-européenne « °weg(e) » signifiant « être fort, dispos » à laquelle se rattachent le latin vegere « animer ; être vif » et vegetus « vif, dispos » (qui donnera végéter, végétal.)
Ce n’est que vers 1835 que le mot « végéter » prendra son sens moderne de « rester dans une situation médiocre », synonyme de s’encroûter.
Une personne en « état végétatif », serait donc – étymologiquement – une personne vivante et en pleine conscience puisqu’éveillée, disponible et attentive, comme l’étaient la jeune Anglaise de 23 ans, Angèle Lieby dans son coma, et le Docteur Taylor après son AVC…
Il n’est donc pas juste de considérer une personne en état végétatif comme un « légume », nos connaissances sur les différents états de conscience n’en étant qu’à leur balbutiement.
Le rôle du soignant ne repose-t-il pas sur l’évidence que du moment qu’il y a de la vie (ne serait-ce que végétative), il est essentiel de l’accompagner ?
Il lui faut donc agir selon le principe de précaution, dans ces unités EVC, où puisque les patients peuvent être conscients (au moment même où tout peut laisser penser qu’ils ne le sont pas), il a à agir comme s’ils l’étaieient.
Un Ontarien qui se trouve dans un état qualifié de neurovégétatif depuis plus d'une décennie a été en mesure de communiquer avec ses médecins et de leur dire qu'il ne souffrait d'aucune douleur physique.
Scott Routley, 39 ans, a subi un grave accident de voiture il y a 12 ans. À ce jour, les techniques d'évaluation traditionnelles ne permettaient pas de montrer qu'il était conscient ou capable de communiquer.
En fait, la médecine considère habituellement que les personnes dans un état végétatif n'ont aucune perception d'elles-mêmes ni du monde extérieur.
Des scientifiques de l'Université Western Ontario affirment aujourd'hui que l'homme répond aux questions qui lui sont posées.
« Scott nous a prouvé qu'il est conscient. Nous avons analysé plusieurs fois son activité cérébrale et nous pensons qu'il choisit clairement de répondre à nos questions. Nous croyons qu'il sait qui il est et où il se trouve. » — Dr Adrian Owen
Le Dr Adrian Owen et ses collègues ont enregistré l'activité cérébrale du patient pendant qu'on lui posait des questions.
L'équipe de recherche affirme que l'analyse de son activité cérébrale numérisée par imagerie par résonnance magnétique fonctionnelle permet de saisir sa réponse à certaines questions.
Ce type d'imagerie mesure en temps réel l'activité cérébrale en suivant la circulation sanguine. Le Dr Owen explique que certaines tendances sont perceptibles lorsque le patient est interrogé. Selon le chercheur, cette activité montre un état de conscience.
C'est la première fois qu'un patient incapable de communiquer à la suite de lésions graves au cerveau donne des réponses cliniquement pertinentes à ses soins.
« Scott nous a prouvé qu'il est conscient. Nous avons analysé plusieurs fois son activité cérébrale et nous pensons qu'il choisit clairement de répondre à nos questions. Nous croyons qu'il sait qui il est et où il se trouve. » — Dr Adrian Owen
Les parents de Scott Routley ont toujours pensé qu'il était conscient et ils ont toujours affirmé qu'il pouvait communiquer en bougeant un doigt ou un oeil. Leur conviction n'avait toutefois jamais trouvé une oreille attentive auprès du personnel médical.
Un autre Canadien, Steven Graham, a aussi montré qu'il était capable de former de nouveaux souvenirs depuis sa blessure. Il répond oui quand on lui demande si sa soeur a une fille. Sa nièce est née après sa blessure, il y a cinq ans.
Ces travaux sont l'objet d'un documentaire présenté dans le cadre de la série Panorama diffusée par la BBC.


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