Cette étude de la Johns Hopkins qui établit le lien entre une mutation génétique rare, des anomalies cérébrales et la schizophrénie chez une famille avec un taux élevé de schizophrénie, apporte des éléments de preuve supplémentaires du rôle joué par les gènes anormaux dans le développement de la maladie. Ici, il s’agit du gène NPAS3 qui régule le développement des neurones sains, en particulier dans l'hippocampe, une zone affectée dans la schizophrénie. Les conclusions sont présentées dans l’édition du 23 janvier de la revue Molecular Psychiatry.
Les chercheurs montrent que la mutation de NPAS3 conduit à une activité anormale du gène, ce qui a des conséquences sur le développement et le fonctionnement du cerveau.
Les experts sont d’accord sur l’influence de nombreux gènes –comme de nombreux facteurs environnementaux- dans l'apparition de la maladie. La schizophrénie touche 1% de la population et entraîne des symptômes hétérogènes, ce qui rend le diagnostic de la maladie complexe. Même si la mutation NPAS3 identifiée ici semble rare, elle va probablement conduire à une meilleure compréhension de la façon dont les autres gènes peuvent contribuer au développement de la maladie.
NPAS3 muté déforme les neurones : Les chercheurs ont effectué l’analyse ADN des échantillons de sang de 34 personnes atteintes de schizophrénie ou de trouble schizo-affectif. Ces 34 participants étaient membres de familles comportant plus d’une personne atteinte de schizophrénie. C’est ainsi que les chercheurs ont identifié une mutation sur NPAS3, un gène qui fournit des instructions pour la production d'une protéine qui contient 933 acides aminés. Lorsque les chercheurs cultivent des neurones soit avec des copies normales, soit avec des copies mutées de NPAS3, ils constatent que les neurones sains se sont correctement développés de manière à pouvoir « établir » de bonnes connexions avec d'autres cellules mais que les neurones avec le gène muté présentent des extensions anormalement courtes.
L’équipe travaille actuellement sur un modèle de souris avec NPAS3 muté, afin de vérifier qu’il existe bien alors, des anomalies dans leurs neurones et que ces souris présentent une déficience de l’apprentissage, de la mémoire et de la communication.
Bien que la schizophrénie soit largement d'origine génétique, les gènes impliqués dans la maladie ont été difficiles à identifier. Au départ des recherches, une poignée de gènes était envisagée. Cette étude menée par des chercheurs de la Columbia University identifie non seulement des réseaux génétiques entiers en cause avec des centaines de gènes mutés mais met en évidence un lien fascinant entre la schizophrénie et l'autisme. Ces conclusions publiées dans l’édition du de la revue Nature Neuroscience donnent donc une nouvelle orientation à la recherche fondamentale sur ces troubles neurologiques.
Sur la base des centaines de mutations déjà associées à la schizophrénie, les chercheurs ont appliqué un nouveau modèle d’analyse informatique pour identifier des relations cachées entre ces gènes apparemment sans rapport. Leur analyse révèle que la plupart des gènes mutés dans la schizophrénie sont organisés en deux réseaux principaux, qui contrôlent des processus clés, comme le guidage axonal qui conduit le signal électrique du neurone vers les synapses, le fonctionnement des synapses, la mobilité des neurones et la modification chromosomique.
Découverte de réseaux génétiques : Pour découvrir des liens possibles entre les gènes mutés dans la schizophrénie, le Dr Vitkup et ses collègues ont développé une approche informatique appelée Netbag+, permettant d'identifier les réseaux de gènes susceptibles d'être responsables d’un même phénotype génétique. Ils ont ensuite rassemblé les mutations les plus fréquemment observées dans la schizophrénie ainsi que des mutations de novo récemment décrites par une équipe de chercheurs de la Columbia. L’analyse a mis à jour 2 réseaux génétiques. Les gènes du premier réseau sont impliqués principalement dans le guidage axonal, le fonctionnement des synapses, et la migration cellulaire. Les gènes du second réseau sont impliqués dans l'organisation et le remodelage chromosomiques. Certaines parties de ces deux réseaux sont très actives au cours du développement prénatal, ce qui suggère que les changements dans le cerveau liés à la schizophrénie plus tard dans la vie sont en fait déterminés très tôt dans la vie.
Un lien fascinant entre la schizophrénie et l'autisme : Les chercheurs montrent que les réseaux génétiques mutés identifiés sont très similaires entre les 2 maladies. Le Pr Dennis Vitkup, professeur agrégé au service d'informatique biomédicale, auteur principal de l'étude, confirme : «Cela montre à quel point les réseaux de l'autisme et la schizophrénie génétiques sont étroitement liés». Cependant, il ajoute qu’il faudra du temps pour traduire les résultats en traitements cliniques, même si son étude permet de mieux comprendre les causes moléculaires de la schizophrénie et de l’autisme. Il suggère également que les mutations associées à la schizophrénie, l'autisme, et probablement beaucoup d'autres troubles psychiatriques, sont susceptibles de converger sur un ensemble de processus moléculaires interdépendants. «Notre récente analyse montre que ce chevauchement comprend principalement des gènes importants pour le développement neurologique précoce du fœtus. Cela n'est pas surprenant, parce que certains cas de schizophrénie et de nombreux cas d'autisme sont d'origine neurologique ».
Mais comment des mutations dans des gènes identiques ou connexes entraînent deux maladies différentes? «J'aime utiliser l'analogie de la voiture qui freine », explique l’auteur. « Différents dysfonctionnements du mécanisme de frein peuvent avoir des conséquences très différentes, de l'accélération rapide au freinage brutal ». En étudiant les grandes mutations ou variations du nombre de copies (CNV) qui peuvent conduire à la schizophrénie ou à l'autisme, le chercheur montre que la diminution de la croissance des dentrites, à l’extrêmité des neurones est plus fréquente dans la schizophrénie et l'augmentation plus fréquente dans l'autisme.
Ainsi, la schizophrénie et l'autisme apparaissent principalement comme des troubles de la communication neuronale mais il reste à identifier les circuits neuronaux critiques et les mécanismes qui les différencient, concluent les auteurs. Car jusqu'à 1.000 gènes pourraient être impliqués pour chaque trouble dont un nombre important appartiendrait aux réseaux identifiés dans l'étude actuelle. L'idée même qu’un tel nombre de gènes soit impliqué, est un grand changement dans la recherche qui, dorénavant apparaît plus prometteuse ciblée sur des voies communes et des circuits génétiques que ciblée sur une petite « poignée » de gènes. Ce type d'analyse de réseau, ajoute l’auteur, permet aussi de donner du sens.
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