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11 juil. 2011

Un génie méconnu, et un des plus grands scientifiques:Nicolae Paulescu

Nicolae Constantin Paulescu, né le 8 novembre 1869 à Bucarest en Roumanie, décédé le 19 juillet 1931 était un professeur roumain en médecine et en physiologie. Il est considéré comme le véritable découvreur de l'insuline.
Il étudia la médecine à Paris entre 1888 et 1900, notamment avec Etienne Lancereaux (1827-1910) qui avait suggéré un lien entre le pancréas et le diabète des années auparavant. En 1897 il obtient le doctorat en médecine avec une thèse intitulée « Recherches sur la structure de la rate ». Il étudie en même temps la chimie et la physiologie à la Faculté des sciences de Paris et obtient également un titre de docteur en sciences.
Il retourne en Roumanie en 1900 et il est nommé professeur de physiologie à la Faculté de Médecine de Bucarest, où il travaillera jusqu'à 1931.
En 1911 il commence à entreprendre des recherches sur le diabète. Il parvient à fabriquer un extrait pancréatique provenant de pancréas animal, et à démontrer que la substance, qu'il surnomme la pancréine, contenue dans cet extrait, peut diminuer la glycémie et les cétones et augmenter le glycogène du foie. Il peut donc être considéré comme le premier à avoir décrit la substance qui s'appellera plus tard insuline. Ses expériences se font sur des chiens diabétiques, et il ne passe pas à l'expérimentation sur l'homme.
Ses recherches sont interrompues en 1916 par la Première Guerre mondiale et l'occupation de Bucarest. Il ne peut publier ses résultats que cinq ans plus tard, en 1921.
En mars 1921 il fait un rapport sur ses recherches, et notamment sur l'isolation de la pancréine à la Société de biologie de Bucarest.
En août 1921 il publie ses résultats en français dans les Archives Internationale de physiologie, de biochimie et de biophysique dans un article intitulé "Recherches sur le rôle du pancreas dans l’assimilation nutritive".
Le 10 avril 1922 il dépose un brevet roumain intitulé « La pancréine et le procédé de sa fabrication », brevet n° 6254.
Les canadiens Frederick Banting (1891-1941) et John James Richard Macleod (1899-1978) font la première injection d'insuline à un patient humain le 11 janvier 1922. Un an plus tard l'insuline est produite industriellement à des fins médicales.
Paulescu n'aura jamais de reconnaissance internationale de son vivant, malgré ses travaux de pionnier dans la découverte de l'insuline.
Ses idées antisémites et antimaçonniques, vivement critiquées, ne jouent pas en sa faveur pour une reconnaissance de ses mérites sur le plan médical.
L'inauguration de son buste, prévue le 27 août 2003 à l'hopital Hôtel-Dieu à Paris a été annulé suite à la protestation d'organisations juives.

Sur la paternité de la découverte de l’insuline

Dans ses numéros 2 et 3/2006, le D-Journal a relaté l’histoire de la découverte de l’insuline. En janvier 1922, les Canadiens Banting et Best ont pour la première fois réussi à l’injecter à un être humain, avec succès. Mais à qui revient le mérite de la découverte de l’insuline ? Avant les Canadiens, le Roumain Nicolae Paulescu était parvenu à isoler cette hormone qu’il appela «pancréine». Il faut lui en rendre justice, même s’il n’a pas produit un extrait purifié pouvant être administré à un humain, étape cruciale franchie par Banting et Best.
Le diabète fut longtemps considéré comme une maladie des reins ou du foie. Dans la seconde moitié du XIXe siècle, accélération. En 1869, Paul Langerhans, étudiant en médecine allemand, découvre les îlots des cellules du pancréas qui porteront son nom. Le lien pancréas-diabète est bientôt suggéré par le Français Etienne Lancereaux, hypothèse confirmée en 1889 par les chercheurs allemands Oscar Minkowski et Joseph Von Mehring. Ayant enlevé le pancréas d’un chien, ils constatent qu’il développe le diabète. D’autres chercheurs apportent leur pierre à l’édifice.
Jusqu’en 1922, les diabétiques sont voués à une fin rapide. On leur impose une diète drastique qui les rend rapidement squelettiques. Ils meurent de malnutrition et d’inanition. La découverte de l’insuline change tout. En janvier 1922 donc, au Canada, une dose d’insuline est administrée à Leonard Thompson, diabétique de 14 ans, au seuil de la mort. C’est une première. L’adolescent est sauvé et la nouvelle court le monde. Des laboratoires, à commencer par la société Lilly, se mettent à produire de l’insuline.En 1923 déjà, le prix Nobel de médecine est décerné à Banting et Macleod. Mais son attribution à MacLeod plutôt qu’à Charles Best et James Collip provoque de vifs remous. Banting partage l’argent du prix Nobel avec son assistant Best. Macleod fait de même avec Collip.
L’apport majeur de Paulescu
Retour aux prémices de la découverte. Le Roumain Nicolae Paulescu (1869-1931) travailla à Paris jusqu’en 1900 avec E. Lancereaux (1827-1910), puis à Bucarest. Il commença en 1911 ses recherches sur le diabète. Arriva la Première Guerre mondiale et, en 1916, l’occupation de Bucarest qui interrompit ses travaux. Le chercheur ne put publier ses résultats – en français – que cinq ans plus tard. Il prouvait qu’une substance contenue dans le pancréas réduisait rapidement le taux de glycémie, dissipait les cétones et augmentait le glycogène du foie. Il nomma «pancréine» cette hormone universellement connue ensuite, l’insuline.
Le 31 août 1921, Paulescu publia dans les «Archives internationales de physiologie» un article intitulé «Recherches sur le rôle du pancréas dans l’assimilation nutritive», décrivant l’action de l’extrait pancréatique. Près de 10 mois avant que Banting et Best annoncent leur découverte de l’insuline ! Les Canadiens ignoraient probablement les travaux du Roumain qui fit breveter sa découverte en avril 1922.
La controverse sur la paternité de la découverte de l’insuline – et de l’attribution du prix Nobel 1923 – n’est pas éteinte. D’aucuns pensent aujourd’hui encore que le Nobel aurait dû revenir à Paulescu, ou du moins être partagé avec lui. Selon Sir George Alberti, ancien président de la Fédération internationale du diabète, «l’extraordinaire travail de Paulescu n’a pas été estimé à sa juste valeur». Le Britannique estime d’ailleurs que des récompenses telles que le prix Nobel «font plus de tort que de bien» : tant d’autres chercheurs que leurs titulaires les mériteraient eux aussi.
Une tache rédhibitoire
Paulescu injustement méprisé ? S’il fut certes un chercheur brillant en physiologie, le Roumain se signala d’autre part par ses attitudes politiques : c’était un antisémite notoire. L’a-t-on ostracisé et sanctionné pour ses idées ? Constatons que Paulescu ne s’est pas contenté d’avoir des opinions politiques, à l’instar d’autres en son temps, en Roumanie et ailleurs. Il les a professées et activement répandues.
Dans les années 1920, Nicolae Paulescu signait des pamphlets aux titres édifiants : «Le Complot judéo-maçonnique contre la nation roumaine» ; «Les Youpins et l’Alcoolisme». En 1923, il fut l’un des fondateurs de la Ligue nationale de défense chrétienne, parti anti-juif virulent (dont une dissidence allait générer la Garde de fer de sinistre mémoire, promulgatrice de lois antisémites). Paulescu mourut en 1931, à 62 ans. Avant que la Roumanie, alliée à l’Allemagne nazie, fasse déporter quelque 400'000 Roumains juifs. Paulescu non coupable ? Il avait semé sa part du grain idéologique mortifère, c’est sûr.
Il n’en reste pas moins sûr, également, que Paulescu est l’auteur d’avancées majeures pour le traitement du diabète. En 2002, 80 ans après le dépôt de son brevet intitulé «La pancréine et le procédé de sa fabrication», la Roumanie a officiellement inauguré à Bucarest un buste en son honneur. En 2003, la France allait à son tour célébrer le scientifique oublié. Il s’agissait d’inaugurer à l’Hôtel-Dieu de Paris, le 27 août 2003, un bronze des pionniers Paulescu et Lancereaux. In extremis, la cérémonie fut annulée. Les deux faces du passé de Paulescu, la blanche et la noire, venaient de resurgir.
Dans «Le Monde» du 25 août 2003, Nicolas Weill raconte : «Après des atermoiements, l’ambassade de Roumanie en France a décidé, jeudi 21 août, d’annuler la cérémonie, en accord avec le professeur Gérard Slama de l’Hôtel-Dieu. M. Slama qui a participé en 2002, à Bucarest, à l’érection d’un buste en l’honneur de Nicolae Paulescu tombe des nues : "Nous n'avions jamais entendu dire qu’il y avait des taches sur son passé. Paulescu était pourtant un personnage dont on parle depuis trente ans dans le milieu des diabétologues." On ne posera pas le buste. Quant à la plaque, déjà scellée dans la galerie B du rez-de-chaussée de l’hôpital parisien, M. Slama estime que c’est "à l’Assistance publique de décider s'il faut l’ôter. Je ne serai fâché ni d'une position ni de l’autre".»
Il faut corriger «Le Monde» : le professeur Slama nous dit n’avoir jamais mis les pieds à Bucarest où la Fédération internationale du diabète était représentée lors de la cérémonie de 2002 par son président, Sir George Arberti. De plus, la plaque en l’honneur de Paulescu n’était pas «déjà scellée» dans la galerie.
LES GRANDS HOMMES(PAS TOUS) SANS PARDON
Nicolae Paulescu meurt en 1931 : l’année de la fondation de la Garde de fer. Ce parti nationaliste roumain mit hélas ! en pratique les idées fascistes et antisémites que Paulescu – et bien d’autres – nourrissaient. L’homme vieillissant a-t-il renié les opinions de ses années de militantisme ? Je l’ignore. Mais les exemples abondent de repentis plus illustres qui ont fait leur Chemin de Damas.
Voyons d’autres Roumains célèbres. Le penseur Mircea Eliade s’est lui aussi compromis avec la Garde de fer. Après 1945, il a observé un silence prudent sur ses vieux démons. Et son œuvre d’historien des religions lui a valu d’occuper une chaire à l’Université de Chicago. Partout des cercles académiques l’ont révéré.
Même parcours pour le nihiliste Emil Cioran. Dans les années 1930, il accusait les Juifs d’être «la malédiction de l’histoire». Il écrivait : «Si j’étais un Juif, je me tuerais à l’instant même». Bien plus tard il partit à la conquête d’une respectabilité : il avait honte de son passé ! Dans un de ses fameux aphorismes, Cioran dit : «Tout doit être révisé, même les salauds»…
Ô révisionnisme à rebours ! Nicolae Paulescu n’y aura pas droit en 2003, un bon demi-siècle après sa mort et plus de 80 ans après sa découverte de la pancréine-insuline tombée dans l’oubli, sauf chez les diabétologues qui souhaitaient l’honorer.
Nicolae Paulescu a son buste à Bucarest, inauguré en 2002. Le 9 février 2007, j’ai visité l’Hôtel-Dieu de Paris pour y photographier le bronze jamais inauguré. Chou blanc ! La secrétaire du professeur Gérard Slama n’a pu que hausser les épaules : «Oui, je me souviens. Ce n’était pas un buste, mais une plaque à l’effigie de Paulescu. A ma connaissance, elle venait de Roumanie. Elle n’a jamais été posée. Lors de notre déménagement dans l’hôpital, la plaque est partie à la benne. Nous n’en avons aucune photographie. Non, plus de trace écrite : nous échangions par e-mail avec Bucarest, tout est effacé…»
Le 13 février, le professeur Slama me rappelle et confirme : «La plaque a été jetée aux ordures».
Aux ordures ! Ainsi s’en vont les actes des hommes sans pardon, dans ce 21e siècle où règne avec le politiquement correct la censure bien-pensante. Oubli. Place nette.
Consciences plus propres ? Vous qui ne vous êtes jamais trompé de votre vie entière, vous de qui toutes les actions furent toujours pures, jetteriez-vous votre pierre à la face de bronze du triste Nicolae ? Si vous le vouliez, ce ne serait même pas possible.
Michel Gremaud







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Un génie méconnu, et un des plus grands scientifiques:Nicolae Paulescu

Nicolae Constantin Paulescu, né le 8 novembre 1869 à Bucarest en Roumanie, décédé le 19 juillet 1931 était un professeur roumain en médecine et en physiologie. Il est considéré comme le véritable découvreur de l'insuline.
Il étudia la médecine à Paris entre 1888 et 1900, notamment avec Etienne Lancereaux (1827-1910) qui avait suggéré un lien entre le pancréas et le diabète des années auparavant. En 1897 il obtient le doctorat en médecine avec une thèse intitulée « Recherches sur la structure de la rate ». Il étudie en même temps la chimie et la physiologie à la Faculté des sciences de Paris et obtient également un titre de docteur en sciences.
Il retourne en Roumanie en 1900 et il est nommé professeur de physiologie à la Faculté de Médecine de Bucarest, où il travaillera jusqu'à 1931.
En 1911 il commence à entreprendre des recherches sur le diabète. Il parvient à fabriquer un extrait pancréatique provenant de pancréas animal, et à démontrer que la substance, qu'il surnomme la pancréine, contenue dans cet extrait, peut diminuer la glycémie et les cétones et augmenter le glycogène du foie. Il peut donc être considéré comme le premier à avoir décrit la substance qui s'appellera plus tard insuline. Ses expériences se font sur des chiens diabétiques, et il ne passe pas à l'expérimentation sur l'homme.
Ses recherches sont interrompues en 1916 par la Première Guerre mondiale et l'occupation de Bucarest. Il ne peut publier ses résultats que cinq ans plus tard, en 1921.
En mars 1921 il fait un rapport sur ses recherches, et notamment sur l'isolation de la pancréine à la Société de biologie de Bucarest.
En août 1921 il publie ses résultats en français dans les Archives Internationale de physiologie, de biochimie et de biophysique dans un article intitulé "Recherches sur le rôle du pancreas dans l’assimilation nutritive".
Le 10 avril 1922 il dépose un brevet roumain intitulé « La pancréine et le procédé de sa fabrication », brevet n° 6254.
Les canadiens Frederick Banting (1891-1941) et John James Richard Macleod (1899-1978) font la première injection d'insuline à un patient humain le 11 janvier 1922. Un an plus tard l'insuline est produite industriellement à des fins médicales.
Paulescu n'aura jamais de reconnaissance internationale de son vivant, malgré ses travaux de pionnier dans la découverte de l'insuline.
Ses idées antisémites et antimaçonniques, vivement critiquées, ne jouent pas en sa faveur pour une reconnaissance de ses mérites sur le plan médical.
L'inauguration de son buste, prévue le 27 août 2003 à l'hopital Hôtel-Dieu à Paris a été annulé suite à la protestation d'organisations juives.

Sur la paternité de la découverte de l’insuline

Dans ses numéros 2 et 3/2006, le D-Journal a relaté l’histoire de la découverte de l’insuline. En janvier 1922, les Canadiens Banting et Best ont pour la première fois réussi à l’injecter à un être humain, avec succès. Mais à qui revient le mérite de la découverte de l’insuline ? Avant les Canadiens, le Roumain Nicolae Paulescu était parvenu à isoler cette hormone qu’il appela «pancréine». Il faut lui en rendre justice, même s’il n’a pas produit un extrait purifié pouvant être administré à un humain, étape cruciale franchie par Banting et Best.
Le diabète fut longtemps considéré comme une maladie des reins ou du foie. Dans la seconde moitié du XIXe siècle, accélération. En 1869, Paul Langerhans, étudiant en médecine allemand, découvre les îlots des cellules du pancréas qui porteront son nom. Le lien pancréas-diabète est bientôt suggéré par le Français Etienne Lancereaux, hypothèse confirmée en 1889 par les chercheurs allemands Oscar Minkowski et Joseph Von Mehring. Ayant enlevé le pancréas d’un chien, ils constatent qu’il développe le diabète. D’autres chercheurs apportent leur pierre à l’édifice.
Jusqu’en 1922, les diabétiques sont voués à une fin rapide. On leur impose une diète drastique qui les rend rapidement squelettiques. Ils meurent de malnutrition et d’inanition. La découverte de l’insuline change tout. En janvier 1922 donc, au Canada, une dose d’insuline est administrée à Leonard Thompson, diabétique de 14 ans, au seuil de la mort. C’est une première. L’adolescent est sauvé et la nouvelle court le monde. Des laboratoires, à commencer par la société Lilly, se mettent à produire de l’insuline.En 1923 déjà, le prix Nobel de médecine est décerné à Banting et Macleod. Mais son attribution à MacLeod plutôt qu’à Charles Best et James Collip provoque de vifs remous. Banting partage l’argent du prix Nobel avec son assistant Best. Macleod fait de même avec Collip.
L’apport majeur de Paulescu
Retour aux prémices de la découverte. Le Roumain Nicolae Paulescu (1869-1931) travailla à Paris jusqu’en 1900 avec E. Lancereaux (1827-1910), puis à Bucarest. Il commença en 1911 ses recherches sur le diabète. Arriva la Première Guerre mondiale et, en 1916, l’occupation de Bucarest qui interrompit ses travaux. Le chercheur ne put publier ses résultats – en français – que cinq ans plus tard. Il prouvait qu’une substance contenue dans le pancréas réduisait rapidement le taux de glycémie, dissipait les cétones et augmentait le glycogène du foie. Il nomma «pancréine» cette hormone universellement connue ensuite, l’insuline.
Le 31 août 1921, Paulescu publia dans les «Archives internationales de physiologie» un article intitulé «Recherches sur le rôle du pancréas dans l’assimilation nutritive», décrivant l’action de l’extrait pancréatique. Près de 10 mois avant que Banting et Best annoncent leur découverte de l’insuline ! Les Canadiens ignoraient probablement les travaux du Roumain qui fit breveter sa découverte en avril 1922.
La controverse sur la paternité de la découverte de l’insuline – et de l’attribution du prix Nobel 1923 – n’est pas éteinte. D’aucuns pensent aujourd’hui encore que le Nobel aurait dû revenir à Paulescu, ou du moins être partagé avec lui. Selon Sir George Alberti, ancien président de la Fédération internationale du diabète, «l’extraordinaire travail de Paulescu n’a pas été estimé à sa juste valeur». Le Britannique estime d’ailleurs que des récompenses telles que le prix Nobel «font plus de tort que de bien» : tant d’autres chercheurs que leurs titulaires les mériteraient eux aussi.
Une tache rédhibitoire
Paulescu injustement méprisé ? S’il fut certes un chercheur brillant en physiologie, le Roumain se signala d’autre part par ses attitudes politiques : c’était un antisémite notoire. L’a-t-on ostracisé et sanctionné pour ses idées ? Constatons que Paulescu ne s’est pas contenté d’avoir des opinions politiques, à l’instar d’autres en son temps, en Roumanie et ailleurs. Il les a professées et activement répandues.
Dans les années 1920, Nicolae Paulescu signait des pamphlets aux titres édifiants : «Le Complot judéo-maçonnique contre la nation roumaine» ; «Les Youpins et l’Alcoolisme». En 1923, il fut l’un des fondateurs de la Ligue nationale de défense chrétienne, parti anti-juif virulent (dont une dissidence allait générer la Garde de fer de sinistre mémoire, promulgatrice de lois antisémites). Paulescu mourut en 1931, à 62 ans. Avant que la Roumanie, alliée à l’Allemagne nazie, fasse déporter quelque 400'000 Roumains juifs. Paulescu non coupable ? Il avait semé sa part du grain idéologique mortifère, c’est sûr.
Il n’en reste pas moins sûr, également, que Paulescu est l’auteur d’avancées majeures pour le traitement du diabète. En 2002, 80 ans après le dépôt de son brevet intitulé «La pancréine et le procédé de sa fabrication», la Roumanie a officiellement inauguré à Bucarest un buste en son honneur. En 2003, la France allait à son tour célébrer le scientifique oublié. Il s’agissait d’inaugurer à l’Hôtel-Dieu de Paris, le 27 août 2003, un bronze des pionniers Paulescu et Lancereaux. In extremis, la cérémonie fut annulée. Les deux faces du passé de Paulescu, la blanche et la noire, venaient de resurgir.
Dans «Le Monde» du 25 août 2003, Nicolas Weill raconte : «Après des atermoiements, l’ambassade de Roumanie en France a décidé, jeudi 21 août, d’annuler la cérémonie, en accord avec le professeur Gérard Slama de l’Hôtel-Dieu. M. Slama qui a participé en 2002, à Bucarest, à l’érection d’un buste en l’honneur de Nicolae Paulescu tombe des nues : "Nous n'avions jamais entendu dire qu’il y avait des taches sur son passé. Paulescu était pourtant un personnage dont on parle depuis trente ans dans le milieu des diabétologues." On ne posera pas le buste. Quant à la plaque, déjà scellée dans la galerie B du rez-de-chaussée de l’hôpital parisien, M. Slama estime que c’est "à l’Assistance publique de décider s'il faut l’ôter. Je ne serai fâché ni d'une position ni de l’autre".»
Il faut corriger «Le Monde» : le professeur Slama nous dit n’avoir jamais mis les pieds à Bucarest où la Fédération internationale du diabète était représentée lors de la cérémonie de 2002 par son président, Sir George Arberti. De plus, la plaque en l’honneur de Paulescu n’était pas «déjà scellée» dans la galerie.
LES GRANDS HOMMES(PAS TOUS) SANS PARDON
Nicolae Paulescu meurt en 1931 : l’année de la fondation de la Garde de fer. Ce parti nationaliste roumain mit hélas ! en pratique les idées fascistes et antisémites que Paulescu – et bien d’autres – nourrissaient. L’homme vieillissant a-t-il renié les opinions de ses années de militantisme ? Je l’ignore. Mais les exemples abondent de repentis plus illustres qui ont fait leur Chemin de Damas.
Voyons d’autres Roumains célèbres. Le penseur Mircea Eliade s’est lui aussi compromis avec la Garde de fer. Après 1945, il a observé un silence prudent sur ses vieux démons. Et son œuvre d’historien des religions lui a valu d’occuper une chaire à l’Université de Chicago. Partout des cercles académiques l’ont révéré.
Même parcours pour le nihiliste Emil Cioran. Dans les années 1930, il accusait les Juifs d’être «la malédiction de l’histoire». Il écrivait : «Si j’étais un Juif, je me tuerais à l’instant même». Bien plus tard il partit à la conquête d’une respectabilité : il avait honte de son passé ! Dans un de ses fameux aphorismes, Cioran dit : «Tout doit être révisé, même les salauds»…
Ô révisionnisme à rebours ! Nicolae Paulescu n’y aura pas droit en 2003, un bon demi-siècle après sa mort et plus de 80 ans après sa découverte de la pancréine-insuline tombée dans l’oubli, sauf chez les diabétologues qui souhaitaient l’honorer.
Nicolae Paulescu a son buste à Bucarest, inauguré en 2002. Le 9 février 2007, j’ai visité l’Hôtel-Dieu de Paris pour y photographier le bronze jamais inauguré. Chou blanc ! La secrétaire du professeur Gérard Slama n’a pu que hausser les épaules : «Oui, je me souviens. Ce n’était pas un buste, mais une plaque à l’effigie de Paulescu. A ma connaissance, elle venait de Roumanie. Elle n’a jamais été posée. Lors de notre déménagement dans l’hôpital, la plaque est partie à la benne. Nous n’en avons aucune photographie. Non, plus de trace écrite : nous échangions par e-mail avec Bucarest, tout est effacé…»
Le 13 février, le professeur Slama me rappelle et confirme : «La plaque a été jetée aux ordures».
Aux ordures ! Ainsi s’en vont les actes des hommes sans pardon, dans ce 21e siècle où règne avec le politiquement correct la censure bien-pensante. Oubli. Place nette.
Consciences plus propres ? Vous qui ne vous êtes jamais trompé de votre vie entière, vous de qui toutes les actions furent toujours pures, jetteriez-vous votre pierre à la face de bronze du triste Nicolae ? Si vous le vouliez, ce ne serait même pas possible.
Michel Gremaud







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