Les nouvelles données danoises suscitent de l'intérêt pour la recherche future sur la guérison du VIH
Comme nous l'avons mentionné dans notre dernier numéro de Nouvelles CATIE,
des chercheurs danois étudient actuellement des moyens potentiels de
guérir l'infection au VIH en utilisant le médicament anticancéreux
expérimental panobinostat. Les résultats provisoires de leur essai
clinique sur ce médicament seront présentés plus tard cette année à
l'occasion d'une conférence internationale. Entre-temps, les chercheurs
danois mènent une autre étude intéressante sur la guérison du VIH qui
n'a peut-être pas reçu l'appréciation qu'elle mérite. Cette autre
recherche est le sujet du présent numéro de Nouvelles CATIE. Mais avant d'en parler en détail, une mise en contexte s'impose.
Tirer une leçon de l'histoire
Vers la fin des années 1800, le chirurgien new-yorkais William Coley a
commencé des expériences pour évaluer l'impact de l'induction
d'infections bactériennes sur le cours de certains cancers touchant les
humains. Spécifiquement, il a délibérément causé de graves infections de
la peau en utilisant la bactérie Streptococcus et d'autres. Le
chirurgien a conçu cette idée après avoir observé que certains patients
atteints de cancer bénéficiaient d'une rémission inattendue de leur
maladie lorsqu'ils contractaient certaines infections bactériennes.
Rappelons toutefois que les conséquences des infections bactériennes
graves pouvaient être dangereuses à l'époque d'avant les antibiotiques.
Pour cette raison, le Dr Coley et ses collègues ont finalement utilisé
des injections de bactéries tuées par la chaleur (un mélange appelé
toxines de Coley). Cela a donné lieu à un succès limité auprès de
patients rigoureusement sélectionnés atteints de certains
cancers. Il faut se rappeler qu'à l'époque en question, les essais
cliniques n'étaient pas fondés sur des statistiques rigoureuses et
manquaient généralement une structure randomisée et contrôlée.
Effets secondaires
Cette thérapie avait pour effet initial de causer les symptômes d'une
grave maladie pseudo-grippale. Dans l'heure suivant l'injection du
vaccin, les patients avaient des frissons graves mais temporaires,
suivis d'une forte fièvre. Ces symptômes et d'autres s'estompaient dans
les 12 à 24 heures suivant l'injection. Certains patients recevaient le
vaccin tous les jours, alors que d'autres le recevaient tous les deux
jours pendant des semaines ou des mois, après quoi l'administration des
injections s'espaçait et prenait fin graduellement, selon la réponse du
cancer.
Vers la fin du 20e siècle, les chercheurs se doutaient que
ces vaccins bactériens agissaient en stimulant l'organisme de sorte
qu'il produisait un mélange de messagers chimiques appelés cytokines qui
mettaient le système immunitaire en garde contre la présence du cancer.
De plus, ces cytokines renforçaient la capacité des cellules
immunitaires de détruire certains cancers.
Souches bactériennes affaiblies
Quand le Dr Coley est mort, l'intérêt général pour ses vaccins
bactériens a diminué. De nos jours, certains chercheurs sont au courant
du potentiel du travail fait par le Dr Coley. Mentionnons, par exemple,
que des extraits bactériens sont maintenant utilisés pour le traitement
de certains cas de cancer de la vessie. Dans cet exemple, les médecins
utilisent des souches affaiblies de bactéries s'apparentant à celles à
l'origine de la tuberculose. Il s'agit d'une souche de bactérie appelée
BCG. Cette dernière stimule le système immunitaire dans la vessie de
sorte qu'il s'attaque au cancer. La BCG est également utilisée pour
fabriquer un vaccin préventif contre la tuberculose, mais ce vaccin
n'est pas très efficace et est rarement utilisé dans les pays à revenu
élevé de nos jours.
Dans les années 1980, des chercheurs japonais qui travaillaient avec
la BCG ont constaté que l'exposition des cellules immunitaires à l'ADN
bactérien améliorait la capacité des cellules à s'attaquer aux tissus
cancéreux. Dans les années 90, des médecins japonais ont mené un essai
clinique sur l'ADN bactérien pour traiter des patients atteints de
cancer. Leurs résultats étaient prometteurs dans l'ensemble, car 43 %
des 75 patients ont répondu au traitement. Toutefois, comme il est très
difficile de créer des concentrations sûres et uniformes d'extraits
d'ADN dérivés de la BCG, le ministère de la Santé et du Bien-être du
Japon a rejeté la demande d'homologation pour ce genre de thérapie.
Patron reconnu
Vers le milieu des années 1990, le médecin-investigateur Arthur
Krieg, MD, et d’autres chercheurs tentaient de comprendre précisément
comment des extraits bactériens comme ceux utilisés par le Dr Coley
pouvaient avoir un impact si considérable sur le système immunitaire et
les cellules cancéreuses. Dans le cadre d'expériences de laboratoire,
les chercheurs exposaient des cellules immunitaires à de minuscules
fragments d'acides nucléiques (bandes d'ADN) apparaissant lors
d'infections bactériennes. Cette exposition aux acides nucléiques
bactériens incitait les cellules à lancer une réponse immunitaire
protectrice. Des recherches poussées ont révélé qu'un segment des petits
fragments d'acide nucléique était commun à de nombreuses bactéries et
déclenchait une réponse protectrice de la part du système immunitaire
lorsque celui-ci rencontrait différentes espèces de bactéries. Cela se
produisait parce que des récepteurs spécialisés appelés TLR (récepteurs
Toll) permettaient au système immunitaire de reconnaître un patron dans
l'acide nucléique des bactéries.
Reconnaître les virus et les cancers
Les TLR font partie du système d'avertissement de l'organisme qui
signale l'invasion par des germes. Il existe différents LTR qui servent à
reconnaître différents patrons dans différentes sortes de germes. Le
TLR-9 est particulièrement important, car les chercheurs ont découvert
qu'il aidait le système immunitaire à s'apercevoir de la présence
d'infections virales comme le VIH, le VHB (virus de l'hépatite B) et le
VPH (virus du papillome humain). Ces trois virus peuvent causer des
dysfonctions immunitaires de divers degrés chez l'humain et sont
associés à un risque accru de certains cancers. De plus, ces infections
virales particulières affaiblissent la capacité des TLR-9 à alerter le
système immunitaire lorsque des virus ou des tumeurs sont présents. En
partie à cause de l'affaiblissement de l'activité des TLR-9 et à
d'autres dysfonctions immunologiques probables associés à ces
infections, le système immunitaire n'est pas en mesure de maîtriser ou
d'éradiquer ces virus et les tumeurs qui y sont associées.
CpG — une approche raffinée
Comme nous l'avons mentionné plus tôt, l'exposition aux extraits
bactériens comme les toxines de Coley peut causer des symptômes
désagréables. Une approche plus raffinée pour provoquer des réponses
immunitaires protectrices a recours à des bandes d'ADN artificiellement
créées qui imitent les patrons observés dans l'ADN bactérien et viral.
On appelle ces bandes d'acides nucléiques artificielles des CpG.
Des chercheurs dans plusieurs pays ont éprouvé l'innocuité générale
et l'efficacité préliminaire du CpG 7909 (également appelé agatolimod,
PF-3512676 et ProMune). Ce composé interagit avec le TLR-9 et semble en
accroître l'efficacité, de sorte qu'il active le système immunitaire à
mieux déceler et combattre les infections virales et peut-être certaines
tumeurs. Plusieurs essais cliniques ont été menés sur le CpG 7909
auprès de patients séronégatifs atteints de cancer. Plusieurs essais
cliniques de petite envergure et deux essais cliniques de grande
envergure (recrutant un total d’environ 1 600 patients atteints de
cancer du poumon à un stade avancé qui recevaient de la chimiothérapie)
ont été menés sur le CpG 7909 auprès de patients séronégatifs. Lors de
ces essais, le médicament semblait généralement sans danger, mais il
semblait avoir un effet anticancéreux très limité.
CpG 7909 — testé auprès de volontaires séropositifs au Canada
Au cours de la décennie dernière, une équipe de chercheurs à
l'Institut de recherche de l'Hôpital d'Ottawa ont testé le CpG 7909 chez
des personnes vivant avec le VIH. Aux fins de leurs expériences, les
chercheurs utilisaient de très faibles doses de CpG en association avec
le vaccin anti-hépatite B. L'équipe a constaté que la combinaison de ce
composé et du vaccin renforçait la réponse du système immunitaire au
vaccin et que cette réponse a duré longtemps. Le CpG 7909 était
généralement sécuritaire et ne causait que des effets secondaires
temporaires (rougeur et enflure au site de l'injection).
La nouvelle étude danoise
Il y a plusieurs années, une équipe de chercheurs à l'Université
Aarhus au Danemark a mené une étude randomisée et contrôlée contre
placebo pour comparer l'effet d'un vaccin contre la pneumonie, avec ou
sans le CpG 7909, chez 97 personnes séropositives qui suivaient une
thérapie anti-VIH (couramment appelée multithérapie ou TAR). Lors de
cette étude, l'injection de 1 mg de CpG 7909 au début de l'étude et au
troisième et au neuvième mois de l'essai a considérablement renforcé la
réponse immunitaire au vaccin.
L'équipe danoise a poussé plus loin sa recherche. Après la conclusion
de l'étude, les chercheurs ont ré-analysé des échantillons de sang
entreposés qu'ils avaient recueillis auprès d'un sous-groupe de
participants. Cette ré-analyse avait pour objectif d'évaluer l'impact
que l'exposition au CpG 7909 aurait eu sur la proportion de cellules
infectées par le VIH dans le sang. L'équipe a agi de la sorte parce que
des études de laboratoire effectuées plusieurs années auparavant sur des
cellules et le VIH avaient révélé que plusieurs CpG avaient à la fois
la capacité de stimuler la réplication du VIH dans les cellules
infectées au repos et d'interférer avec la capacité du VIH de causer de
nouvelles infections.
L'équipe danoise a constaté que la proportion de cellules infectées
par le VIH chutait de 12 % après chaque injection de CpG. Ce résultat
laisse croire que l’exposition régulière au CpG 7909 peut réduire le
nombre de cellules infectées par le VIH dans l’organisme. Les chercheurs
appellent ce nombre de cellules le « réservoir » et, en théorie, un
plus petit réservoir devrait faciliter la guérison du VIH à longue
terme. Toutefois, des essais cliniques distincts seront nécessaires pour
évaluer cette possibilité, car aucune personne traitée par injections
de CpG n'a guéri.
Par contre, chez les participants du groupe placebo, la proportion de
cellules infectées par le VIH demeurait plus ou moins stable. De plus,
il semblait que les cellules T tueuses (appelées les cellules CD8+) des
participants recevant les injections de CpG étaient plus actives contre
le VIH. On n'a détecté aucune augmentation du nombre d'anticorps
anti-VIH chez les participants.
Selon les chercheurs, le CpG 7909 était « généralement bien toléré »,
provoquant seulement des effets secondaires légers au site des
injections (douleur, enflure, rougeur, ecchymose). Dans certains cas, il
y avait aussi des symptômes pseudo-grippaux temporaires (fièvre,
douleurs articulaires, frissons et fatigue); ces derniers étaient
d'intensité « modérée à grave » chez 76 % des participants. L'exposition
au CpG ne faisait pas diminuer le compte de cellules CD4+ et, dans
certains, il y avait des augmentations très faibles et temporaires de la
charge virale. Aucun des participants n'avait une charge virale
détectable (c’est-à-dire, supérieure à la barre des 50 copies/ml) lors
de deux tests sanguins consécutifs. Des analyses poussées ont révélé que
le CpG 7909 ne causait pas de toxicité aux systèmes organiques majeurs
comme la moelle osseuse, le foie ou les reins.
Appel à la prudence
Les résultats de cette ré-analyse danoise sont modestes mais
prometteurs. Il faut toutefois les interpréter avec prudence pour au
moins les raisons suivantes :
- Au mieux, la ré-analyse des données d'une étude conçue à une autre fin peut donner des résultats intéressants. Elle ne permet pas de tirer des conclusions définitives. Les résultats de l'étude danoise pourront toutefois être utilisés pour concevoir un essai clinique visant à évaluer l'impact du CpG 7909 sur les proportions de cellules infectées par le VIH, peut-être en recrutant davantage de participants pour une plus longue période.
- La ré-analyse comporte d'autres lacunes : elle n'avait pas été formellement conçue pour évaluer l'impact du CpG sur la capacité du système immunitaire à détecter et à détruire les cellules infectées par le VIH. Ainsi, les chercheurs ne sont pas certains comment l'exposition répétée au CpG 7909 aurait réduit le nombre de cellules infectées par le VIH.
Une chose est claire : personne n'a été guéri du VIH par l'exposition
répétée au CpG 7909 sur une période de 10 mois. De plus, une telle
guérison — avec cette thérapie ou toute autre — n'est pas imminente. Il
faudra faire beaucoup plus de recherche sur ce composé prometteur,
peut-être en association avec d'autres médicaments expérimentaux auprès
de personnes séropositives sous multithérapie.
Problèmes d'accès au CpG 7909
Le CpG 7909 a été mis au point par le Coley Pharmaceutical Group, qui
a été acquis en 2011 par la compagnie pharmaceutique Pfizer, ainsi que
les droits d'expérimentation commerciale de CpG 7909 auprès de l'humain.
Pfizer développe actuellement une nouvelle molécule CpG qui a récemment
fait l’objet d'essais cliniques. Toutefois, l’entreprise ne fournit pas
cette molécule aux groupes de l’extérieur à des fins d’essai. Le CpG
7909 se trouve dans les vaccins contre le cancer mis au point par
GlaxoSmithKline ainsi que dans d’autres vaccins anticancéreux développés
par des chercheurs universitaires. Bien que des essais cliniques sur le
CpG 7909 soient en cours auprès de personnes séronégatives, Pfizer n’a
pas adopté la politique de Coley de fournir le composé aux chercheurs
universitaires pour leurs recherches. En attendant que cette situation
change, il est peu probable que le CpG 7909 sera testé chez des
personnes séropositives dans le cadre d'essais cliniques.
Loin de baisser les bras
Bien que les chercheurs danois ne puissent se procurer de CpG à
l'heure actuelle pour faire des essais cliniques chez l'humain, ils
n'abandonnent pas la recherche d'un remède curatif contre le VIH. Ils
ont au moins une autre approche à un remède. À l'heure actuelle, ils
collaborent avec d'autres chercheurs d'Australie, de Suède et des
États-Unis pour éprouver un médicament qui, espérons-le, saura chasser
le VIH de ses cachettes. Cette approche a le potentiel de réduire le
nombre de cellules infectées par le VIH dans le corps et de faciliter
possiblement les tentatives de guérison futures. Le médicament à l'étude
est un traitement anticancéreux expérimental appelé panobinostat, qui
est fabriqué par la compagnie pharmaceutique Novartis. Le panobinostat
appartient à une classe de médicaments appelés inhibiteurs de l'HDAC.
Les résultats provisoires de l'étude danoise sur le panobinostat seront
publiés plus tard cette année. Pour en savoir plus sur les inhibiteurs
de l'HDAC et leur potentiel et les défis posés par la recherche d'un
remède contre le VIH, consultez TraitementSida 196.
Mise en contexte de la recherche sur la guérison
Le chemin qui mènera à la guérison ne sera pas facile et les défis
seront nombreux. Certains d'entre eux sont connus, alors que d'autres ne
surgiront qu'au fur et à mesure des expériences. Comme lors de toute
aventure scientifique, il y aura des revers. Les premières expériences
scientifiques qui auront lieu au cours des cinq à 10 prochaines années
devraient être perçues comme exploratoires et leurs résultats comme
préliminaires. Cette recherche s'efforcera de répondre à des questions
scientifiques importantes qui serviront de base au travail des
chercheurs dans leur recherche d'un remède contre le VIH. Entre-temps,
les agences de financement devront faire preuve de patience et assurer
un financement continu à mesure que les chercheurs assidus lutteront
contre les nombreux défis qui vont jalonner leur chemin dans la quête
d’un remède contre le VIH.
Remerciement
Nous tenons à remercier Ole Søgaard, MD, et ses collègues à
l'Université Aarhus au Danemark et Arthur Krieg, MD, RaNA Therapeutics,
Cambridge, Massachusetts, pour leur collaboration précieuse à la
préparation de cet article.
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