Les allusions à la personnalité problématique du président américain fleurissent dans les médias de tous bords. Un débat exceptionnel dans une campagne présidentielle qui n'a pas été facile.
Depuis le premier jour de sa folle course vers la Maison-Blanche, Donald Trump n'a cessé de déjouer les prédictions des analystes politiques. Celui qu'ils avaient pris pour un amuseur public promis à disparaître dès l'amorce des primaires est devenu le candidat officiel du Parti républicain.
À l'issue d'une convention assez bien tenue à Cleveland, beaucoup de commentateurs ont à l'inverse parié sur la métamorphose du facétieux milliardaire en présidentiable crédible et professionnel. Mais il est resté lui-même et, trois semaines plus tard, ils n'en reviennent pas de le voir s'enferrer dans des polémiques où il n'a rien à gagner. Au point que fleurissent dans les médias des mises en causes - implicites et explicites - de sa santé mentale.
«Donald Trump est-il carrément fou?», s'interroge ainsi Eugene Robinson dans sa chronique du Washington Post. Il y énumère les derniers mensonges du candidat, si grossiers qu'ils ont été dévoilés en cinq minutes: celui d'une prétendue rencontre avec Vladimir Poutine qui n'a jamais eu lieu, celui d'une lettre soi-disant envoyée par la Ligue de football (NFL) pour décaler les débats, etc.
Cette critique extrême est corroborée par un long et glaçant portrait à charge paru dans le New Yorker. Le texte repose sur le témoignage de Tony Schwartz, la plume du milliardaire pour l'écriture de son best-seller paru en 1987, The Art of the Deal (l'art de négocier, bizarrement traduit en français Le plaisir des affaires). Schwartz a passé dix-huit mois dans l'intimité de celui que l'émission de téléréalité The Apprentice (l'apprenti) n'avait pas encore rendu célèbre. «J'ai mis du rouge à lèvre à un cochon», dit-il pour résumer son travail de «nègre». «Le problème n'est pas l'idéologie - il doute que Trump en ait une -, mais sa personnalité impulsive et égotiste», écrit le magazine de l'intelligentsia de gauche. Une obsession pour la publicité, une incapacité à se concentrer, une absence de culture et de curiosité, un manque total d'empathie… Schwartz assure que s'il devait le refaire, il titrerait son livre: «Le Sociopathe».
Si la plupart des grands médias se gardent de reprendre à leur compte ce diagnostic, les allusions à la personnalité problématique du candidat républicain sont partout. Sur le site du quotidien conservateur The Wall Street Journal, le chroniqueur Bret Stephens s'inquiète «d'une dimension sadique dans (son) caractère». Sur MSNBC, où il présente la matinale, Joe Scarborough, ancien élu républicain de Floride, dramatise la confidence qu'il aurait reçue selon laquelle, lors d'un briefing avec un expert des questions internationales, Trump aurait demandé à trois reprises: «Pourquoi avons-nous des armes nucléaires si on ne peut pas s'en servir?»
Un débat de cette nature est exceptionnel dans une campagne présidentielle qui ne l'est pas moins. Mais la plupart de ces savantes analyses n'atteignent pas le commun des électeurs, qui puise ses informations sur les réseaux sociaux, auprès de sources généralement de son avis. Et les tweets enflammés de Donald Trump sont suivis par près de 11 millions d'abonnés.
De nombreux psychologues et psychiatres, des législateurs démocrates et républicains, des journalistes et commentateurs politiques n'hésitent plus à parler publiquement de la maturité émotionnelle et de la stabilité mentale et psychologique de Donald Trump. Certains suggèrent même que ce dernier subisse un examen de santé mentale, car, selon leurs dires, la présence au centre du monde d'un tel dirigeant aussi instable et incapable d'accepter la réalité est excessivement dangereuse.
Deuxièmement, ces mêmes observateurs notent comment Donald Trump, incapable de contrôler ses pensées et ses émotions, sent le besoin de tweeter régulièrement à toutes les heures de la nuit. Cette tendance prolifique à tweeter s'apparenterait aussi à une forme de désordre mental.
En effet, son père lui a inculqué un fait fondamental : le monde est un endroit dangereux et par conséquent il faut être prêt à combattre. Le jeune Donald est devenu très vite très compétitif dans un environnement très concurrentiel. Ce faisant, il a ressenti dès sa jeune enfance un besoin irrésistible d'exceller, d'être le premier.
Son comportement devint d'autant plus extrême qu'il développa rapidement un intense narcissisme. En conséquence, lorsque son importance personnelle n'est pas reconnue comme il l'espère, son côté narcissique se manifeste dans une anxiété insupportable et une rage incontrôlable.
Dans cette perspective, Trump chercherait à soulager son anxiété viscérale produite par son besoin d'être reconnu par différents comportements compulsifs liés au narcissisme : insulter ou ridiculiser publiquement ses rivaux, confronter ceux qui le défient ou le critiquent, manquer d'empathie et se montrer très vindicatif, recourir à un langage inflammatoire et faire appel à la peur ou la colère, mentir effrontément et réinventer l'histoire, tweeter au milieu de la nuit, favoriser un culte de l'homme fort, etc.
D'ailleurs, les experts qui s'interrogent sur la santé mentale du nouveau président ne l'ont pas examiné personnellement. Ils oublient que le côté narcissique de Trump se retrouve aussi chez un taux élevé de présidents américains qui n'ont pas vu pour autant leur santé mentale remise en cause.
Par ailleurs, Trump a un côté théâtral qu'il faut prendre en considération. Il agit constamment comme s'il était un acteur sur scène. Mais son rôle serait de jouer Donald Trump. Son comportement a donc quelque chose d'irréel, parce qu'il se dissimule derrière son masque d'acteur. Comme Ronald Reagan, il sait qu'il est constamment observé. Il agit en conséquence.
Néanmoins, un grand nombre d'Américains sont inquiets, avec raison. Les commentateurs politiques et les professionnels de la santé ont raison d'exprimer leurs préoccupations.
Le côté narcissique de Donald Trump l'amène à refuser d'avoir des « briefings » quotidiens de renseignement. Ce comportement est d'autant plus dangereux que la campagne présidentielle a démontré chez lui une méconnaissance grave des dossiers internationaux. Or, le président des États-Unis est aussi le commandant en chef. Il peut ordonner des frappes militaires sur un ennemi potentiel, réel ou non, voire recourir aux armes nucléaires.
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