Les chirurgiens britanniques viennent d'obtenir le feu
vert pour entreprendre les premières transplantations d'utérus au
Royaume-Uni. Si les obstacles techniques et financiers sont nombreux,
une réussite de leur part pourrait considérablement accélérer la
recherche dans le domaine.
Un an après la naissance en Suède du premier bébé né grâce à une greffe d'utérus,
des chirurgiens britanniques ont annoncé, mercredi 30 septembre 2015,
avoir reçu l'autorisation de réaliser le premier essai clinique de
transplantation d'utérus au Royaume-Uni, qui devrait concerner dix
femmes.
Approuvé par une commission de l'Imperial College, une université
londonienne, l'essai devrait débuter au printemps prochain et sera mené
par des chercheurs de l'organisation Womb Transplant UK.
La greffe s'adressera à des femmes nées sans utérus (ce qui concerne
une femme sur 4.500 en France et une sur 5.000 au Royaume-Uni), mais
aussi à celles ayant subi une ablation de l'utérus, après un cancer par
exemple. Selon le Dr Richard Smith, qui dirigera l'équipe, la
transplantation "est clairement une option viable pour ces femmes qui, autrement, n'ont aucune chance de porter leur propre bébé".
Pour l'heure, les scientifiques vont d'abord sélectionner les
receveuses potentielles selon des critères précis : elles doivent avoir
entre 25 et 38 ans, être en bonne santé et engagée dans une relation de
couple stable, mais surtout posséder des ovaires fonctionnels, capables
de produire des ovules.
Selon la BBC,
plus de 300 candidates se sont déjà manifestées auprès de l'équipe
médicale en charge de la transplantation, mais une centaine seulement
remplissent ces critères. Dans un premier temps dix d'entre-elles
bénéficieront de la greffe.
Une intervention lourde et encore inédite
Les utérus proviendront de donneuses en état de mort cérébrale mais maintenues en vie. En effet, "la récupération des organes est une opération plus lourde que la transplantation", explique le Dr Smith, "nous ne voulons pas imposer cette opération à une donneuse vivante".
Avant le début des essais, des embryons seront d'abord formés in
vitro à partir des ovules de la donneuse et du sperme de son compagnon
ou d'un donneur, avant d'être congelés.
Les femmes subiront ensuite une opération de six heures pour recevoir
la transplantation, et suivront un traitement médical pendant un an
pour éviter le rejet de la greffe, avant d'être finalement inséminées.
Les naissances auront lieu par césarienne, pour éviter de soumettre
l'utérus au stress de l'accouchement.
Six mois après la première naissance, chaque femme se verra proposer
une nouvelle grossesse. En cas de refus, les médecins procéderont à une hystérectomie, afin de réduire les risques liés aux traitements anti-rejets notamment.
Un projet plausible mais parsemé d'embûches
Seul bémol, la Womb Transplant UK doit encore réunir les 500.000
livres (677.000 euros) nécessaires pour mener à bien son projet, le coût
de chaque opération étant estimé à 40.000 livres (environ 54.000
euros), selon la BBC.
Toutefois, le Dr Smith, qui travaille depuis près de 20 ans sur le projet, se dit "énormément optimiste" et affirme être toujours parvenu à réunir suffisamment d'argent grâce aux dons, selon le journal The Guardian.
Sous réserve donc d'un financement suffisant et de premiers résultats
probants, le premier bébé britannique issu d'une greffe utérine
pourrait naître fin 2017 ou début 2018.
Si les chirurgiens britanniques réussissent leur projet, le
Royaume-Uni deviendra la deuxième nation à y parvenir après la Suède, le
Comité d'éthique suédois ayant autorisé les premiers essais humains en
2014. Neuf femmes ont ainsi bénéficié d'une transplantation utérine, et
quatre enfants sont nés depuis un an.
Mais, contrairement au protocole mis en place par les britanniques,
les chirurgiens suédois ont systématiquement eu recours à des donneuses
vivantes et ménopausées. Dans cinq cas, les donneuses étaient d'ailleurs
les mères des receveuses, par souci de compatibilité. Pour l'heure,
aucun bébé n'est donc né des suites d'un prélèvement cadavérique, les rares tentatives s'étant soldées par un échec.
En France, on reste frileux
En France, aucun feu vert n'a été donné par les autorités sanitaires
et par l'Agence de la Biomédecine, et les seules solution pour les
patientes dont l'utérus n'est pas fonctionnel (ou inexistant) sont donc
l'adoption, la gestation pour autrui étant interdite en France.
Toutefois cela n'empêche pas que deux équipes françaises se préparent
pour la greffe d'utérus. Ainsi, à Limoges, l'équipe des Dr Tristan
Gauthier et Pascal Pivert a notamment réalisés plusieurs prélèvements
d'utérus sur des femmes en état de mort cérébrale. En parallèle, à
l'hôpital Foch de Suresnes, une équipe dirigée par les docteurs Jean
Marc Ayoubi et René Frydman (à qui l'on doit le premier bébé éprouvette
français) envisage quant à elle des prélèvements sur des femmes
donneuses bien vivantes.
L'Académie de médecine commence également à s'intéresser à la greffe d'utérus, puisqu'elle a publié le 23 juin 2013 un rapport très complet sur le sujet. Si elle reconnaît que la transplantation utérine constitue une "alternative devenue crédible" et soulève "un immense espoir",
elle s'interroge sur le manque de données concernant le risque
chirurgical mais aussi les effets du traitement immunosuppresseur sur la
mère et l'enfant.
Pour l'heure, l'Académie suggère d'attendre la poursuite des
programmes de recherches. Une chose est certaine : cette tentative
anglaise risque de pousser les autorités sanitaires françaises à
reconsidérer leur position.
Source : ICI
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