C’est à l’un des systèmes de transports les plus anciens inventés par la vie. Il est commun à des organismes unicellulaires comme la levure et aux mammifères, dont l’homme. Il implique des sacs minuscules dont la membrane enferme des composants tels que des hormones ou des neurotransmetteurs, capables de livrer ce fret, comme autant de cargos ponctuels, au bon endroit et au bon moment. On appelle ces transporteurs qui opèrent au sein de chacune de nos cellules des vésicules.
Le Nobel 2013 de physiologie et de médecine, récompense trois chercheurs, deux Américains et un Allemand – James Rothman, Randy Schekman et Thomas Südhof. Ils sont parvenus à élucider une partie du fonctionnement de ce mécanisme de transport, qui lorsqu’il déraille peut se traduire par des maladies neurologiques, du diabète ou des désordres immunitaires.
L’ordre alphabétique ne rend pas justice à la chronologie des découvertes qui valent ce Nobel aux trois chercheurs, qui tous ont fait leur carrière aux Etats-Unis. "Ce prix s’inscrit lui-même dans la lignée du Nobel de 1974 qui avait récompensé Christian de Duve, Albert Claude et George Palade sur l’organisation de la cellule", note Thierry Galli, directeur de recherche de l’Inserm à l'Institut Jacques Monod, pour qui cette récompense est logique et bienvenue, "car elle associe trois personnages aux parcours très différents".
MUTANTS
Il y a d’abord Randy Schekman qui dans les années 1970 se passionne pour le transport intracellulaire et décide de s’y attaquer par le versant génétique, à l’aide d’un organisme modèle, la levure – rompant avec l’approche de son mentor, le biochimiste Arthur Kornberg (Nobel 1959). Il identifie des mutants chez lesquelles les vésicules s’empilent de façon désordonnée. Il parvient à distinguer trois classes de gènes qui contrôlent différentes facettes de leur transport et leur fusion avec d’autres membranes.
Parallèlement, James Rothman, lui aussi élève de Kornberg, s’était lui lancé dans l’étude du transport cellulaire en prenant comme modèle un virus conduisant à la production de protéines guidées par des vésicules vers un compartiment particulier de la cellule, dit de Golgi. Il put ainsi purifier plusieurs protéines qui semblaient impliquées dans le transport et la fusion des vésicules. Or il se trouvait que certaines de ces protéines étaient précisément celles qui faisaient défaut dans les levures mutantes de Schekman. Les deux équipes entamèrent alors une collaboration qui devait montrer en 1992 qu’il y avait bien eu conservation au fil de l’évolution d’un même mécanisme, tant chez la levure que chez les mammifères.
"FERMETURES ÉCLAIR"
"Rothman a aussi développé des outils in vitro, pour tester le rôle de certaines protéines réceptrices, dites SNARE, sur des membranes vierges", indique le biophysicien David Tareste (Inserm, Institut jacques Monod), qui a travaillé dans son laboratoire entre 2003 et 2008 en mettant en oeuvre des techniques de mesures de forces à l'échelle microscopique. "Il a alors montré que ces protéines, présentes sur la vésicule et sur la membrane avec laquelle elle doit fusionner, s’assemblent comme des fermetures éclair qui se zippent au moment de la fusion." En disséquant ce modèle, Rothman répondait aux questions "où et comment": si les vésicules livrent leur chargement au bon endroit, c’est grâce à un système très spécifique de protéines complémentaires qui s'assemblent.
Restait à répondre à la question du "quand?": comment la vésicule fusionne-t-elle au bon moment? C’est là qu’intervient Thomas Südhof. Venant d’un autre champ de recherche, la neurophysiologie, il essayait de comprendre le transfert d’information d’une cellule à une autre, au niveau des synapses. On savait déjà que le changement de concentration en calcium régulait le relargage de neurotransmetteurs dans les neurones. Elucidant cette cascade moléculaire, Südhof devait montrer, en étudiant le fonctionnement neuronal chez la souris, que deux protéines particulières étaient impliquées dans le processus de fusion, certaines fonctionnant comme des capteurs de calcium enclenchant le phénomène.
ANTAGONISMES
"Il reste énormément de choses à découvrir sur le transport et la sécrétion cellulaires, note Thierry Galli. Mais ce Nobel marque un jalon important dans le domaine et clôt certains débats qui ont duré pendant presque vingt ans." Ces débats mettaient notamment aux prises James Rothman, dont la personnalité très forte avait engendré quelques antagonismes.
Dans ce milieu très concurrentiel, "Rothman montre une très grande intelligence scientifique et humaine: on pouvait s’engueuler avec lui, mais c’était sans rancoeur et toujours constructif, note David Tareste. Le plus frappant, c’est sa vision intégrée des choses, associant la biologie, la physique et la chimie. C’est cela qui fait aujourd’hui la différence en science. Et ces trois Nobel partagent cette vision."
Né en 1955 à Göttingen en Allemagne, Thomas Südhof est titulaire d'un doctorat de neurochimie de l'université de sa ville natale. En 1983, il rejoint les Etats-Unis, d'abord à Dallas, au centre médical de l'université du Texas Southwestern, avant de devenir en 2008 professeur de physiologie cellulaire et moléculaire à l'école de médecine de Stanford. Membre de l'Académie américaine des sciences et de l'Institut de médecine, Thomas Südhof a reçu en septembre le prestigieux prix Lasker pour ses travaux sur la communication entre cellules nerveuses, qui ont fait avancer les connaissances sur le fonctionnement du cerveau. "Pour être honnête, j'ai d'abord cru que ce coup de fil du comité Nobel était une blague, a-t-il déclaré à AP. J'aurais aussi bien pu être heureux de faire carrière comme médecin généraliste, mais quand j'étais étudiant en médecine, j'ai été en contact avec des patients souffrant de maladies dégénératives et de schizophrénie aiguë. Cela a laissé une marque indélébile dans ma mémoire."
Enseignant à l'université de Yale depuis 2008, James E. Rothman est professeur de sciences biomédicales, titulaire de la chaire de biologie cellulaire. Né en 1950 à Haverhill dans le Massachusetts, docteur en médecine diplomé en 1976 de la "Harvard Medical School", il a ensuite été chercheur associé au Massachusetts Institute of Technology (MIT), avant de rejoindre l'université Stanford en Californie où il a commencé ses recherches sur les vésicules de la cellule. Egalement professeur de chimie, M. Rothman a travaillé à l'Université Princeton (New Jersey) et à celle de Columbia, à New York. Il avait reçu le prix Lasker, antichambre du Nobel, en 2002. "Dans les premières années où j'ai commencé ce projet à l'université de Stanford tout le monde me disait que c'était dingue d'aller essayer de reproduire les choses mystérieuses et complexes qui surviennent dans une cellule", a-t-il expliqué lors d'un entretien diffusé sur le site internet de la fondation Nobel. Pourtant, "c'est absolument fascinant", a-t-il souligné. L'appel venu de Suède l'a réveillé au milieu de la nuit, et il dit avoir vécu "une expérience extracorporelle".
Né à Saint Paul (Minnesota) en 1948, Randy W. Shekman, est professeur de biologie moléculaire et cellulaire à l'Université de Califormnie à Berkeley et ancien rédacteur en chef des Compte-rendus de l'Académie des sciences américaines (PNAS). Sa thèse, soutenue en 1975 à Stanford (Californie) portait sur la réplication de l’ARN. Dès cette époque, il s’intéresser au transport intracellulaire, en prenant pour organisme modèle la levure : grâce à cet outil, il a découvert une cinquantaine de gènes impliqués dans le transport vésiculaire intra-cellulaire. En 2002, il avait reçu le prix Lasker en compagnie de James Rothman, un de ses colauréats. "Les gens ordinaires peuvent bénéficier de cette recherche fondamentale sur la façon dont fonctionnent les cellules, qui a des implications inattendues et spectaculaires sur leur propre vie",a expliqué M. Schekman à l'AFP
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