Il faudra distinguer par l'ECG les différentes tachycardies à complexes QRS fins :
1. Tachycardie sinusale
- contexte : effort, anxiété, douleur, hypoxie, anémie, embolie pulmonaire, fièvre, infection, déshydratation, hyperthyroïdie, sympathomimétiques,...
- ECG : régulier, ondes P normales d’axe et de morphologie normaux (mal visibles si > 150/min mais réapparaissant à la stimulation vagale)
- traitement : celui de la cause !
2. Flutter auriculaire
- contexte : cardiopathies, hyperthyroïdie, péricardite, insuffisance respiratoire chronique, infection bronchopulmonaire
- ECG : régulier à 150 (2/1) ou 100 (3/1) par min avec complexes atriaux réguliers (ondes F en dents de scie dans certaines dérivations, souvent entre 250 et 300/min)
- traitement : cf fibrillation auriculaire :
* anticoagulation
* ralentissement : digitaliques, beta-bloquants, inhibiteurs calciques
* réduction : cardioversion électrique ou chimique, ablation par radiofréquence
- prévention : ablation
3. Tachycardie supraventriculaire
de début et fin subites (paroxystiques)
Symptômes :
palpitations, anxiété, douleur thoracique, pesanteur, dyspnée, polyurie (si prolongée)
ECG :
- tachycardie à complexes QRS fin (<120msec)
- parfois : tachycardie à complexes QRS larges
- fréquence 130-250/min
Mécanismes :
1) circuit de réentrée au niveau du nœud auriculoventriculaire (60%) : tachycardie de réentrée.
2) circuit de réentrée auriculoventriculaire par une voie accessoire (30%) : tachycardie de réentrée.
3) origine focale (10%) : tachycardie auriculaire et flutter.
Contexte :
- cardiopathie acquise ou congénitale : à rechercher mais peu fréquent (écho-cardiographie)
- facteurs précipitants : café, alcool, drogues, hyperthyroïdie, troubles ioniques
- syndromes de pré-excitation : syndrome de Wolff-Parkinson-White
Diagnostic différentiel :
- fibrillation auriculaire
- flutter auriculaire
- tachycardie sinusale
- tachycardie ventriculaire
Traitement :
1. crise en cours : dans l'ordre
a) Manœuvre vagale : massage sinus-carotidien (avec enregistrement ECG simultané pour aider à identifier le mécanisme).
b) Adénosine : 6mg IV rapide ; si échec : 12 mg IV rapide après 2 semaines (CI : syndrome obstructif pulmonaire).
Egalement avec enregistrement ECG pour les mêmes raisons.
c) Si réfractaire ou récidive rapide : vérapamil IV (IsoptineR : 5mg en 5 min) ou b-bloquants (métoprolol - SélokenR - 5 mg iv lent à raison de 1 à 2 mg/min, à répéter jusqu'à 10 à 15 mg maximum ).
d) Sinon : propafénone (Rytmonorm R), flécaïnide (Tambocor R).
e) En cas d'instabilité hémodynamique : choc électrique
f) En cas de complexes QRS larges : à traiter comme une TV si le diagnostic de TPSV n'est pas certain.
g) En cas de pré-excitation (WPW) : cardioversion électrique ou étape d) (rappel : vérapamil et digitaliques contre-indiqués).
2. Au long cours
I. Pré-excitation, syncope, métier à risque : étude électrophysiologique et ablation par radiofréquence.
II. Premier épisode ou épisodes sporadiques : médicaments à la demande per os (ex : 40 à 160 mg vérapamil ou b-bloquants ou propafénone 150-450 mg ou flécaïnide (100 à 300 mg).
III. Autres situations : traitement préventif par b-bloquants (ex : propranolol 80 à 240 mg/j), vérapamil (120 à 480 mg/j), diltiazem (180 à 360 mg/j), digoxine.
- si échec : antiarythmique de classe IC (flécaïnide 100 à 300 mg/j ou propafénone 450 à 900 mg/j ou de classe III (amiodarone 300mg/j ou sotalol 160 à 320 mg/j).
- alternative : ablation par radiofréquence.
4. Fibrillation auriculaire
- ECG : complexes atriaux irréguliers ou non visibles
seul trouble du rythme totalement irrégulièrement irrégulier, avec des complexes QRS fins.
Tableau clinique
Eventuelles causes à rechercher
Examens complémentaires à réaliser d'emblée
Scores
Score CHA2DS2Vasc : risque d'infarctus cérébral en cas de FA
C: insuffisance cardiaque - dysfonction ventriculaire gauche (congestive ...) : 1 point
H: hypertension artérielle : 1 point
A: âge 75 ans et plus : 2 points
D: diabète : 1 point
S: antécédent d’AVC, AIT ou embolie systémique (stroke) : 2 points
S : sexe féminin : 1 point
V : vasculopathie : 1 point
Score maximum : 9
Score HAS-BLED: risque de saignement (élevé si > 2)
H : hypertension artérielle (définie par PAS > 160 mmHg) : 1 point
A : anomalie de la fonction rénale ou hépatique (respectivement définie par définies par une dialyse, ou une transplantation rénale ou créatininémie > 2,2 mg/dl et par une maladie chronique hépatique (cirrhose) ou des anomalies significatives du bilan hépatique comme bilirubinémie à 2 fois la normale en association avec aspartate et alanine aminotransférases, phosphatases alcalines > à 3 fois la normale): 1 point chacun
S : AVC (Stroke ): 1 point
B : saignement (Bleeding) (antécédents de saignement et/ou prédisposition à un saignement,anémie, diathèse hémorragique, etc): 1 point
L : INR instable (Labile INR) = INR instable/élevé ou temps insuffisant dans la cible : 1 point
E : âge > 65 ans (Elderly) : 1 point
D : médicaments (comme les AINS, les antiagrégants plaquettaires) ou alcool (Drugs) : 1 point chacun
Score maximum : 9
Traitement
- mise sous monitoring cardiaque
- contrôler kaliémie et calcémie
- traitement causal éventuel: hyperthyroïdie, embolie pulmonaire, ...
- oxygénothérapie
- anticoagulation: héparine suivi d'antivitamine K (objectif = INR 2 à 3), dans les situations à risque embolique élevé : FA sur valvulopathie, antécédent d'AVC ou de thromboembolie, insuffisance cardiaque ou altération FEVG, sujets > 75 ans et hypertendus, diabétiques, coronariens ou artéritiques (sinon : asprine)
- traitement de l'arythmie: selon les caractéristiques de la fibrillation auriculaire
a) fibrillation auriculaire paroxystique: durée de 2 min à 48 h (régularisation spontanée fréquente et risque thromboembolique faible):
* si rare et bien tolérée : simplement rassurer
* si symptomatique et pas d'atteinte cardiaque: antiarythmique de classe I (flécaïnide (TambocorR), propafénone (RytmonormR) et b-bloquants, sinon amiodarone
* si symptomatique et cardiopathie significative : b-bloquants, sinon amiodarone
b) fibrillation auriculaire persistante : durée > 7 jours sans réduction spontanée (régularisation électrique ou médicamenteuse nécessaire, risque thromboembolique élevé):
* FA de courte durée, OG non dilatée: réduction immédiate par médicament ou choc électrique après échographie transoesophagienne OU contrôle de la fréquence ventriculaire avant réduction:
- ralentissement du rythme cardiaque : b-bloquants ou, si insuffisance cardiaque, digitalisation (digoxine iv : en attaque 0,5 mg iv toutes les 12 h avec adaptation à la digoxinémie)
- réduction : soit choc électrique externe (200 à 300 Joules), soit médicamenteuse: antiarythmique de classe I (flécaïnide (TambocorR) : 1,5 à 3 mg/kg iv en 10 à 20 min ou 200 à 300 mg po, propafénone (RytmonormR) : 1,5 à 2 mg/kg iv en 10 à 20 min ou 450 à 600 mg po) et b-bloquants, sinon amiodarone (CordaroneR : 2 amp en charge iv puis 6 amp en iv continu en 24 h)
* récidive OU cardiopathie avec probabilité faible du retour en rythme sinusal:
- prévention des embolies : héparine iv avec relais par anticoagulants oraux
- restauration du rythme sinusal : après 3 semaines d'anticoagulation (à faire suivre par un mois d'anticoagulation), par soit choc électrique externe (200 à 300 Joules), soit amiodarone (ou à défaut anti-arythmique de classe IA ou IC)
c) fibrillation auriculaire permanente : acceptée (risque trop élevé de rechute après régularisation, échec ou contre-indication à la cardioversion)
* contrôle du rythme ventriculaire : b-bloquants ou, si insuffisance cardiaque, digoxine
* si contrôle inadéquat ou intolérance à l'effort: ajouter b-bloquant, sinon substituer un de ces médicaments par vérapamil/diltiazem, voire traitement non pharmacologique (ablation)
TACHYCARDIE VENTRICULAIRE = tachycardie régulière à complexe large (si > 250/min = flutter ventriculaire)
1. RIVA (rythme idioventriculaire accéléré) :
fréquence 60 à 120/min, bénin, signe la reperfusion coronaire
2.Tachycardie supraventriculaire avec bloc de branche ancien ou fonctionnel (QRS larges) :
ralentissement par massage sinu-carotidien
3. Torsade de pointe (cf syncope quinidinique) :
arrêt antiarythmiques, apports Mg et K, stimulation endocavitaire à fréquence rapide.
Analyse ECG (selon Brugada)
On recherche successivement :
- absence de complexe QRS en précordiale : si oui : TV
- si non : voir si intervalle RS > 100 msec dans une précordiale : si oui : TV
- si non : rechercher dissociation auriculo-ventriculaire : si oui : TV
- si non : critères morphologiques de TV en V1-V2 (en cas de retard droit : aspect QR ou R exclusif ; en cas de retard gauche : R < 30 msec ou RS – entre le début de l’onde R et le nadir de l’onde S- > 60 msec) et V6 (en cas de retard droit : aspect QS ou R/S < 1; en cas de retard gauche :aspect QS ou QR) : si oui : TV
- si non : TSV
Principales étiologies
- cardiomyopathie ischémique et infarctus myocardique
- cardiomyopathie hypertrophique
- syndrome QT long (médicaments : digitaliques, antiarythmiques de classe I,...)
- hypoxie, alcalose, hypokaliémie
- agents chimiothérapiques
Facteurs de gravité
- lipothymie, syncope, arrêt cardiaque
- exclure infarctus myocardique et embolie pulmonaire
- risque de décompensation cardiaque en cas de cardiomyopathie sous-jacente
Traitement
- faire ECG (mesure QT) et enregistrer l'arythmie
- apport i.v. MgSO4 et correction hypokaliémie
- si symptomatique ou persistant : CordaroneR (2 amp. i.v. par voie centrale en 10 min puis 6 amp./24 h), sinon xylocaïne (XylocardR) (100 mg i.v. en 10 min puis 2 g i.v./24 h) ou cardioversion
- prévention : ablation par radiofréquence
! Dans tous les cas : corriger une éventuelle hypokaliémie !
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