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26 juil. 2013

Prélèvements sanguins par cathéter veineux central (CVC) et les infections

Définition(s)
Prélèvement d'un échantillon de sang par un cathéter veineux central.
Objectif(s) de soins
  • Obtenir des échantillons de sang pour des analyses de laboratoire.

Indications

  • Réseau veineux périphérique pauvre ou inexistant.

Contre-indications

  • Cathéter de petits calibres 3.8-Fr et moins
  • Calibre 3-Fr pour un CCIVP avec valve Groshong : déconseillé par le fabricant du cathéter
  • Cathéter semi-perméable (on peut irriguer mais il n'y a pas de retour veineux possible)
  • Cathéter ayant déjà été obstrué
  • Cathéter à multiples lumières dont une seule lumière est perméable à moins que la lumière ne serve qu'au prélèvement sanguin.
En général, les résultats de recherche indiquent qu'il n'est pas conseillé d'utiliser un cathéter veineux central pour des prélèvements sanguins car celà diminue la durée de vie du cathéter (occlusion et infection).

Généralités

  • On devrait d’abord privilégier les veines périphériques pour effectuer un prélèvement sanguin, compte tenu du risque d’occlusion du cathéter veineux central relié aux manoeuvres du prélèvement, du risque accru d’infection et de la présence d’héparine dans le cathéter central qui peut fausser certains résultats
  • Pour un cathéter percutané (introduit dans la veine sous-clavière, jugulaire ou fémorale), on recommande d’utiliser la lumière proximale du cathéter multilumières à moins d’une politique différente en vigueur dans votre établissement
  • La lumière distale étant de plus gros calibre, on évite de l’utiliser pour le prélèvement sanguin à cause du risque d’occlusion, ce qui rendrait cette lumière inutilisable. Par contre certains auteurs recommandent l'utilisation de la lumière distale à cause de son calibre. Pour certains cathéter on retrouve un calibre identique pour toutes les lumières. Identifier la lumière à utiliser pour les prélèvements sanguins et utiliser toujours la même
  • Le prélèvement peut être effectué avec un barillet ou une seringue de 10 à 20 ml
  • Le prélèvement peut être effectué avec un système de prélèvement sanguin sous vide même pour un cathéter avec valve. Cependant il faut suivre les recommandation du fabricant. Le cathéter CCIVP Groshong® est compatible avec un système de prélèvement sous vide ainsi que le cathéter à accès veineux sous-cutané (AVSC) muni d'une valve Groshong®.
  • Ne pas faire de prélèvement sur les cathéters de petit calibre (3 et 2 French) à cause du risque d’occlusion
  • L’irrigation par technique de turbulence (pour tous les cathéters) et de pression positive (à l'exception des cathéters avec valve et ou avec bouchon à pression positive) avec 20 ml (2 seringues de 10 ml) de NaCl 0,9 % post-prélèvement est essentielle au maintien de la perméabilité du cathéter pour les cathéters avec une perfusion continue; le redémarrage de la perfusion n’est pas suffisant pour bien rincer la cathéter
  • Aucun résidu de sang ne doit être présent dans le bouchon d'injection ou la tubulure de rallonge après un prélèvement sanguin. Si l'irrigation n'est pas suffisante pour déloger les particules sanguines, il faut procéder au changement de bouchon et de rallonge
  • La manipulation du cathéter lors des prélèvements sanguins peut être une source de contamination et d'infection, il est important de maintenir une asepsie rigoureuse lors de la procédure
  • Certains auteurs recommandent la Manoeuvre de Valsalva lorsque le cathéter ne possède pas de valve ou de pince : demander à l'usager de bloquer sa respiration lors de l'ouverture du cathéter veineux central
  • Il n'est pas recommandé de procéder au prélèvement sanguin pour des tests de coagulation via un cathéter central héparinisé à cause du potentiel de fausser les résultats. (Lignes directrices : Care and Maintenance to Reduce Vascular Access Complications de la RNAO)
  • Il n'est pas recommandé de procéder au prélèvement sanguin pour un dosage de médicaments par la lumière qui a servi à les administrer
  • Certains auteurs recommandent d'irriguer le cathéter veineux central avant de procéder au prélèvement afin de s'assurer de la perméabilité du cathéter, d'autres auteurs précisent que le retrait de sang montre que le cathéter est veineux et perméable.

Techniques de soins

Matériel requis

  • Le matériel sera énuméré pour chacune des techniques de prélèvements dans la procédure.

Procédure(s)

A. CCIVP et autres cathéters tunnelisés à une ou plusieurs lumières

MÉTHODE AVEC UNE SERINGUE

Matériel requis

  • Tubes à prélèvement selon les analyses prescrites
  • 1 seringue 10 ml identifiée « À jeter »
  • 1ou 2 seringues 10 ml (selon la quantité de sang à prélever) ou 1 seringue de 20 ml
  • 1 aiguille 21 G 2.5 cm pouce pour transférer le sang dans les tubes
  • Nécessaire à irrigation :
    • 2 fioles de NaCl 0.9 % à usage unique, sans agent de préservation ou agent bactériostatique
    • 2 seringues 10 ml (seringue exerçant la pression optimale lors de l'irrigation d'un CVC)
    • 2 aiguilles 22 G 2.5 cm
  • Nécessaire à héparinisation au besoin :  héparine 10 u/ml, seringue, aiguille
  • 1 aiguille pour maintenir l'asepsie de la tubulure de perfusion lorsque débranchée
  • 3 tampons d’alcool 70 %
  • Gants non stériles
  • 1 contenant biorisque pour aiguilles et seringues souillées.

Étape 1. Préparation

  • Préparer le matériel
  • Laver les mains avec de l'eau et du savon
  • Identifier une seringue 10 ml « À jeter »
  • Identifier la lumière servant au prélèvement sanguin
  • Préparer 2 seringue 10 ml avec 10 ml de NaCl 0.9 % (1 seringue 10 ml en pédiatrie)
  • Arrêter les perfusions en cours (pour les cathéters avec perfusions continues) dans toutes les lumières, pendant 1 minute, afin d’éviter une dilution des échantillons de sang par les perfusions, ce qui risque de fausser les résultats.

Étape 2. Désinfection 

  • Enfiler les gants non stériles
  • Désinfecter le bouchon d’injection ou la jonction de l'embout du cathéter et de la tubulure de perfusion en frottant avec un tampon d’alcool 70 % pendant 30 secondes; laisser sécher complètement pendant un minimum de 30 secondes
  • Fermer le presse-tube ou la pince si présent (cathéter avec valve; la valve fera le travail d'ouverture et de fermeture du cathéter)
  • Fermer la pince régulatrice de la tubulure de perfusion  si la lumière est utilisée pour une perfusion continue et déconnecter la tubulure de l'embout du cathéter et maintenir l'asepsie de la tubulure en y connectant une aiguille stérile

Étape 3. Prélèvement

  • Connecter une seringue 10 ml « à jeter » au bouchon d'injection ou à l'embout du cathéter, ouvrir le presse-tube et aspirer lentement 5 ml de sang (2 fois l'espace mort du cathéter en pédiatrie : 2 à 5 ml)
    • cathéter avec une valve Groshong® : aspirer 1 à 2 ml, faire une pause de 2 secondes pour permettre à la valve d'ouvrir et au sang de remonter dans le cathéter
  • Fermer le presse-tube ou la pince, déconnecter la seringue et la jeter
  • Connecter une seringue 10 ml ou 20 ml, ouvrir le presse-tube et aspirer lentement la quantité de sang requise selon les analyses prescrites
  • Fermer le presse-tube ou la pince et déconnecter la seringue contenant le sang
Alerte clinique

Si la tubulure de la perfusion est connectée directement à l'embout du cathéter sans bouchon d'injection, procéder immédiatement à l'irrigation avec du NaCl 0,9 % avant de transférer le sang dans les tubes de prélèvement.
 
  • Connecter une aiguille 21 G 2.5 cm à la seringue contenant le sang
  • Transférer immédiatement le sang dans les tubes :
    • tenir le piston de la seringue afin d'éviter un afflux de sang trop rapide dans le tube et l'hémolyse des globules
    • remplir les tubes selon l'ordre de remplissage recommandé par l'Ordre des technologistes médicaux du Québec ou selon la politique de votre établissement :
      • bouteille pour hémoculture
      • tube pour épreuve de coagulation (avec citrate de sodium) à bouchon bleu
      • tube pour sérum avec activateur de caillot, avec ou sans gel séparateur à bouchon jaune ou rouge
      • tubes avec héparine à bouchon vert
      • tube avec EDTA à bouchon lavande ou rose
      • tube avec inhibiteur de la glycolyse, oxalate de potassium / fluorure de sodium à bouchon gris
      • tube avec citrate de sodium pour l'analyse de la sédimentation à bouchon noir
      • tous les autres tubes non cités
    • étiquetter les tubes selon la politique de votre établissement et inscrire « prélevé par le cathéter central »

Étape 4. Post-prélèvement

  • Désinfecter à nouveau le bouchon d’injection ou l'embout du cathéter en frottant avec un tampon d’alcool 70 % pendant 30 secondes; laisser sécher pendant un minimum de 30 secondes
  • Connecter la seringue avec le NaCl 0.9 %
  • Ouvrir le presse-tube ou la pince et irriguer le cathéter avec 2 seringues de 10 ml de NaCl 0.9 % en pratiquant la technique de turbulence (tous les cathéters) et pression positive (cathéter sans valve ou sans bouchon à pression positive), irriguer avec 10 ml en pédiatrie
  • Hépariniser les cathéters à bout ouvert, sans valve ou sans bouchon à pression positive, utilisés pour des traitements intermittents
  • OU reconnecter la perfusion et la redémarrer et redémarrer les perfusions dans les autres lumières
  • Identifier les tubes et spécifier sur les requêtes « prélevé par le cathéter central ».
Alerte clinique

S'il est impossible de déloger toutes les particules sanguines hors du bouchon d'injection par l'irrigation saline, il faut changer le bouchon d'injection après le prélèvement.
 
MÉTHODE AVEC LE SYSTÈME DE PRÉLÈVEMENT SANGUIN SOUS VIDE DE TYPE VACUTAINER
Matériel requis
  • Tubes à prélèvement selon les analyses prescrites
  • 1 tube 5 ml identifié « À jeter »
  • 1 système de prélèvement sanguin sous vide
  • 1 adaptateur pour système sans aiguille au besoin
  • Nécessaire à irrigation :
    • 2 fioles de NaCl 0.9 % à usage unique sans agent de préservation ou agent bactériostatique
    • 2 seringues 10 ml (1 seringue 10 ml en pédiatrie)
    • 2 aiguilles 22 G 2.5 cm
  • Nécessaire à héparinisation au besoin : héparine 10 u/ml, seringue, aiguille
  • 1 aiguille pour maintenir l'asepsie de la tubulure de perfusion lorsque débranchée
  • 3 tampons d’alcool 70 %
  • Gants non stériles
  • 1 contenant biorisque pour aiguilles et seringues souillées.
Étape 1. Préparation
  • Préparer le matériel
  • Laver les mains avec de l'eau et du savon
  • Identifier un tube de 5 ml « À jeter »
  • Identifier la lumière servant au prélèvement sanguin
  • Préparer 2 seringues 10 ml avec 10 ml de NaCl 0.9 % (1 seringue 10 ml en pédiatrie)
  • Arrêter les perfusions en cours (pour les cathéters avec perfusions continues) dans toutes les lumières, pendant 1 minute, afin d’éviter une dilution des échantillons de sang par les perfusions, ce qui risque de fausser les résultats.
Étape 2. Désinfection
  • Enfiler les gants non stériles
  • Désinfecter le bouchon d’injection ou la jonction de  l'embout du cathéter et de la tubulure de perfusion en frottant avec un tampon d’alcool 70 % pendant 30 secondes; laisser sécher complètement pendant un minimum de 30 secondes
  • Fermer le presse-tube ou la pince si présent (cathéter avec valve; la valve fera le travail d'ouverture et de fermeture du cathéter)
  • Fermer la pince régulatrice de la tubulure de perfusion  si la lumière est utilisée pour une perfusion continue et déconnecter la tubulure de l'embout du cathéter et maintenir l'asepsie de la tubulure en y connectant une aiguille stérile
Étape 3. Prélèvement
  • Connecter le système de prélèvement sanguin sous vide au bouchon d'injection
  • Ouvrir le presse-tube ou la pince
  • Pousser le tube de prélèvement « À jeter » dans le barillet du système jusqu'à ce que le bouchon soit perforé par l'aiguille
  • Laisser le tube s'emplir complètement (5 ml) puis le retirer et le jeter (2 fois l'espace mort du cathéter en pédiatrie : de 2 à 5 ml)
  • Insérer les tubes selon l'ordre des prélèvements : référer à l'étape 3 de la technique de prélèvement avec une seringue de cette procédure
  • Fermer le presse-tube ou la pince
  • Retirer le système de prélèvement sanguin sous vide du bouchon d'injection.
Étape 4. Post-prélèvement
  • Désinfecter à nouveau le bouchon d’injection ou l'embout du cathéter en frottant avec un tampon d’alcool 70 % pendant 30 secondes; laisser sécher pendant un minimum de 30 secondes
  • Connecter la seringue avec le NaCl 0.9 %
  • Ouvrir le presse-tube ou la pince et irriguer le cathéter avec 2 seringues de 10 ml de NaCl 0.9 % en pratiquant la technique de turbulence (tous les cathéters) et pression positive (cathéter sans valve ou sans bouchon à pression positive), irriguer avec 10 ml en pédiatrie
  • Hépariniser les cathéters fermés sans valve
  • OU redémarrer la perfusion en cours et redémarrer les perfusions dans les autres lumières
  • Identifier les tubes et spécifier sur les requêtes « prélevé par le cathéter central ».
B. Cathéter à accès veineux sous-cutané (AVSC) ou chambre implantable ou port-a-cath
Matériel requis
  • Tubes à prélèvement selon les analyses prescrites
  • 1 aiguille à pointe Huber (du calibre indiqué au dossier de l'usager) avec rallonge
  • 1 seringue 10 ml avec NaCl 0.9 % pour faire le vide d'air de l'aiguille à pointe Huber
  • 1 seringue de 10 ml identifiée « À jeter »
  • 1  ou 2 seringues de 10 ml (selon la quantité de sang à prélever) ou une seringue de 20 ml
  • OU 1 barillet à prélèvement sous vide et 1 adaptateur + 1 tube de prélèvement de 5 ml « À jeter »
  • Nécessaire à irrigation :
    • 2 fioles de NaCl 0.9 % à usage unique sans agent de préservation ou agent bactériostatique
    • 2 seringues 10 ml (1 seringue 10 ml en pédiatrie)
    • 2 aiguilles 22 G 2.5 cm
  • Tiges montées imbibées de solution de chlorhexidine 2 % et alcool 70%
  • 1 champ stérile
  • Gants stériles (2 paires)
  • Masque au besoin
  • Nécessaire à héparinisation au besoin : héparine 100 u/ml, seringue, aiguille
  • 1 bouchon d'injection si l'aiguille laissée en place
  • Nécessaire pour le pansement si l'aiguille laissée en place
  • 1 tampon d'alcool 70 %
  • 1 diachylon
  • 1 contenant biorisque pour aiguilles et seringues souillées.
Étape 1. Préparation
  • Préparer le matériel
  • Installer l'usager en position allongée ou assise de façon à pouvoir bien palper l'accès veineux sous-cutané (AVSC)
  • Porter un masque s'il y a risque de projection de gouttelettes
  • Demander à l'usager de tourner la tête dans la direction opposée à l'AVSC
  • Observer le site de l'AVSC pour déceler toutes anomalies ou complications
  • Palper le site d'insertion de l'AVSC pour localiser le septum et évaluer l'épaisseur du tissu adipeux en relation avec la longueur de l'aiguille à pointe Huber
  • Laver les mains avec de l'eau et du savon
  • Identifier une seringue 10 ml « À jeter » ou 1 tube de prélèvement à jeter pour le système de prélèvement sous vide
  • Préparer 3 seringues 10 ml avec 10 ml de NaCl 0.9 %
  • Arrêter la perfusion en cours pendant 1 minute (pour les cathéters avec perfusions continues), afin d’éviter une dilution des échantillons de sang par la perfusion, ce qui risque de fausser les résultats, si l'aiguille à pointe Huber est en place et qu'une perfusion est en cours.
Étape 2. Désinfection
  • Enfiler les gants stériles
  • Avec une seringue 10 ml de NaCl 0.9 %, faire le vide d'air de l'aiguille et fermer le presse-tube
  • Désinfecter le site de l'AVSC pendant 30 secondes avec les tiges imbibées de solution de chlorhexidine 2 % et alcool 70 % 
    • noter que la tige de l'antiseptique de chlorhexidine n'est pas stérile
    • mouvement horizontal de droite à gauche
    • mouvement vertical de haut en bas
    • terminer avec un mouvement circulaire du centre du septum vers la périphérie
  • Laisser sécher complètement l'antiseptique pendant un minimum de 30 secondes
  • Mettre en place le champ stérile au pourtour de la région désinfectée (champ troué) ou sous la région désinfectée.
Étape 3. Prélèvement
  • Avec la main non dominante, immobiliser l'AVSC entre deux doigts
  • Maintenir solidement l'aiguille à pointe Huber par les ailettes avec la main dominante et l'introduire d'un geste continu en gardant un angle de 90° afin qu'elle traverse la peau et le septum jusqu'à ce que le fond de l'accès veineux soit atteint
  • Connecter une seringue 10 ml  à l'embout de la tubulure de l'aiguille à pointe Huber, ouvrir le presse-tube ou la pince et aspirer lentement 5 ml de sang (2 fois l'espace mort en pédiatrie : de 2 à 5 ml)
    • cathéter avec une valve Groshong® : aspirer 1 à 2 ml, faire une pause de 2 secondes pour permettre à la valve d'ouvrir et au sang de remonter dans le cathéter et de pénétrer dans l'AVSC
  • Fermer le presse-tube ou la pince et déconnecter la seringue et la jeter
  • Connecter une seringue 10 ml ou 20 ml, ouvrir le presse-tube et aspirer lentement la quantité de sang requise selon les analyses prescrites
  • Fermer le presse-tube ou la pince
  • Déconnecter la seringue contenant le sang
  • Connecter une aiguille 21 G 2.5 cm à la seringue contenant le sang
  • Transférer immédiatement le sang dans les tubes
  • OU procéder à l'installation de l'aiguille à pointe Huber
  • Connecter le système de prélèvement sanguin sous vide au bouchon d'injection
  • Ouvrir le presse-tube ou la pince
  • Pousser le tube de prélèvement « À jeter » dans le barillet du système jusqu'à ce que le bouchon soit perforé par l'aiguille
  • Laisser le tube s'emplir complètement (5 ml) puis le retirer et le jeter (2 fois l'espace mort du cathéter en pédiatrie : de 2 à 5 ml)
  • Insérer les tubes selon l'ordre des prélèvements :  référer à l'étape 3 de la technique de prélèvement avec une seringue de cette procédure
  • Fermer le presse-tube ou la pince
  • Retirer le système de prélèvement sanguin sous vide du bouchon d'injection
  • Retirer les gants qui ne sont plus stériles ayant manipuler des tubes de prélèvements
Étape 4. Post-prélèvement
  • Enfiler les gants stériles pour poursuivre la technique et appliquer le pansement
  • Désinfecter le bouchon d’injection ou l'embout de la tubulure en frottant avec un tampon d’alcool 70 % pendant 30 secondes; laisser sécher pendant un minimum de 30 secondes
  • Connecter la seringue 10 ml avec le NaCl 0.9 %
  • Ouvrir le presse-tube ou la pince et irriguer le cathéter avec 2 seringues de 10 ml de NaCl 0.9 % en pratiquant la technique de turbulence (tous les cathéters) et pression positive (cathéter sans valve ou sans bouchon à pression positive), irriguer avec 10 ml en pédiatrie
  • Hépariniser le cathéter à AVSC sans valve
  • OU redémarrer la perfusion en cours
  • Appliquer un pansement si l'aiguille est laissée en place : référer à la méthode Soins et entretien d'un cathéter à accès veineux sous-cutané
    • Retirer les ailettes pour les modèles à ailettes amovibles
    • Appliquer une pellicule transparente
    • Renforcer la pellicule du cathéter avec une bande adhésive
  • Retirer sinon l'aiguille à pointe Huber :
    • Immobiliser la chambre implantable avec la main non dominante
    • Prendre appui du poignet de la main dominante sur la peau de l'usager
    • Tenir fermement l'aiguille à pointe Huber et retirer d'un geste continu en gardant un angle de 90°
    • Nettoyer la peau avec un tampon d'alcool et laisser sécher 30 secondes
    • Appliquer un diachylon
  • Identifier les tubes et spécifier sur les requêtes « prélevé par le cathéter central ».

Notes au dossier

Noter :
  • Restrictions suivies en pré-analyse (à jeûn, diète sans viande et autres)
  • La date et l'heure du prélèvement
  • Le site du prélèvement : type de cathéter central et lumière utilisée
  • Les analyses prescrites
  • La procédure suivie :  avec une seringue ou le système de prélèvement sanguin sous vide
  • L'irrigation et l'héparinisation du cathéter
  • Le changement de bouchon d'injection et de la rallonge si nécessaire
  • Les réactions de l'usager.   

Infections liées aux cathéters veineux centraux

POINTS ESSENTIELS

· À l'incontournable contamination du cathéter doit être opposée la colonisation dont la puissance de l'inoculum signe la pathogénicité.
· La densité d'incidence de la colonisation est de 13 à 30 ‰ jours de cathétérisme, celle de la septicémie de 1,6 à 10.
· Puisque la colonisation prépare l'événement septicémique, l'objectif de la prévention est de réduire le nombre de cathéters colonisés.
· Déterminer le niveau de risque nécessite de considérer les deux voies de la colonisation, exo- et endoluminale, et de choisir la culture quantitative du cathéter.
· Cependant, hors épidémiologie et dans les rares circonstances où prédomine nettement la colonisation exoluminale, il existe un bénéfice économique à ne réaliser qu'une culture semi-quantitative.
· L'ablation d'un cathéter présumé responsable d'infection est trois fois sur quatre inopportune, d'où l'intérêt du diagnostic bactériologique in situ.
· L'apport de la littérature pour ce qui est de la pose et de la gestion au quotidien des cathéters est suffisant pour élaborer des protocoles cohérents.
· Un nouveau mode de prévention se fait jour au travers des cathéters de seconde génération ; l'intérêt économique d'une application sans restriction n'est pas évident.
· Le maintien du cathéter responsable de septicémie expose aux risques d'inefficacité du traitement anti-infectieux et de surmortalité.
· Un traitement anti-infectieux court (moins de 2 semaines) n'est licite, s'agissant des agents les plus pathogènes, que dans les formes strictement non compliquées.
Les nombreuses et récentes propositions de la littérature pour optimiser diagnostic et prévention des infections liées aux cathéters veineux centraux rappellent que, 30 ans après les premières applications cliniques de ces dispositifs, les complications infectieuses demeurent une préoccupation majeure. La disparité des définitions et des critères diagnostiques a conduit jusqu'à très récemment à méconnaître l'amplitude du risque et l'impact des différentes mesures préventives. La littérature actuelle précise ces données insistant sur les conséquences de cette morbidité infectieuse pour la collectivité. Il ne fait en effet aucun doute, eu égard à l'utilisation exponentielle des différents cathéters intravasculaires, qu'un haut niveau de risque génère des coûts et contribue, de par les antibiothérapies majoritairement antistaphylococciques, à produire des souches résistantes. Toutes ces considérations justifient pleinement les efforts actuels pour une prévention optimale des septicémies liées aux cathéters veineux centraux. La place dans ce contexte des cathéters dits de seconde génération est à déterminer.

DÉFINITIONS - INCIDENCE - PRONOSTIC

Définitions

Parmi les nombreuses entités décrites dans la littérature, quatre bénéficient d'une définition consensuelle établie à partir de critères stricts, faisant largement appel au diagnostic microbiologique [1].
Ainsi, la contamination correspond à la présence d'agents infectieux sur le cathéter in vivo, mais la faible densité de l'inoculum est non pathogène [2].
Ceci n'est plus le cas dans la colonisation pour laquelle la puissance de l'inoculum atteint ou dépasse le seuil de pathogénicité.
L'infection locale ne pose aucun problème diagnostique lorsqu'elle est patente cliniquement. Dans les cas où l'observation clinique est moins pertinente, le diagnostic est retenu après considération de l'inoculum présent au point d'entrée du cathéter ou le long de sa portion sous-cutanée ; là encore, les notions quantitatives et de seuils sont importantes. Il n'y a pas d'infection locale sans colonisation du cathéter.
Le diagnostic de septicémie liée au cathéter est retenu lorsqu'il y a parfaite concordance entre agent(s) infectieux isolé(s) dans le sang veineux périphérique et sur l'un quelconque des points représentatifs de la ligne veineuse, site d'insertion, connecteur, ligne de perfusion ou cathéter. Deux hémocultures périphériques positives sont nécessaires s'agissant des staphylocoques coagulase négatifs, mais une seule dans les autres cas.
Les entités de définitions moins précises concernent les septicémies qui ne s'accompagnent pas d'état septique et les états septiques sans septicémie. La première situation est essentiellement liée aux staphylocoques coagulase négatifs pour lesquels des bactériémies « quasi » silencieuses sont reconnues. Dans la seconde, l'état septique est au contraire au premier plan ; la résolution des symptômes est obtenue par l'ablation du cathéter dont la responsabilité est suggérée par l'existence d'une infection locale et/ou d'une colonisation.

Incidence

La contamination du cathéter est immédiate et constante. Ceci a été démontré dans les conditions de la chirurgie cardiaque, à partir de prélèvements peropératoires réalisés in situ sur des cathéters posés à l'induction anesthésique dans des conditions standard d'asepsie [2].
Pour ce qui concerne la colonisation, les densités d'incidence oscillent selon les études entre 13 et 30 pour 1 000 jours de cathétérisme. Il s'agit là de données épidémiologiques fortes, étant entendu que la colonisation précède toujours l'événement septicémique. Connaître la densité d'incidence de la colonisation est donc un prérequis dans une démarche pertinente de prévention. Ceci impose de soumettre périodiquement, dans les unités à risque, tous les cathéters ôtés à une analyse bactériologique [3].
La septicémie complique 15 à 30 % des colonisations ; les densités d'incidence, rapportées dans la littérature internationale, vont de 1,6 à 10 septicémies pour 1 000 jours de cathétérisme. Les études françaises récentes se situent dans ces limites. Ainsi, un travail prospectif multicentrique et longitudinal de surveillance d'incidence portant sur 5 services de réanimation de l'Ouest de la France rapportait en 1998 3,8 septicémies pour 1 000 jours de cathétérisme [4]. Dans les services de soins intensifs américains (35 millions de journées patients), un patient sur deux est exposé à un cathétérisme veineux central ; la densité d'incidence moyenne, 5,3 septicémies pour 1 000 jours de cathétérisme, génère chaque année 76 000 septicémies en lien direct avec le cathétérisme veineux [5].

Pronostic

Les septicémies nosocomiales induisent chez les patients de réanimation un excès de mortalité de 25 à 35 % [6] [7]. Mais, pour ce qui est du sous-groupe des septicémies sur cathéter, aucune surmortalité n'est retrouvée dans les travaux récents. Il s'agit d'études cas-contrôles avec appariement optimisé, prenant en particulier en compte l'évolution des indices de gravité et leur valeur à j-1 de l'événement septicémique [8] [9] [10]. Les conséquences économiques de cette morbidité infectieuse sont bien établies, séjour en réanimation prolongé en moyenne de 10 jours (pour les survivants) et séjour hospitalier prolongé de 4 jours, soit un surcoût approché de 28 000 dollars par survivant. En revanche, les études consacrées aux complications des septicémies sur cathéter sont peu nombreuses et anciennes. Un travail de 1993, à partir d'un collectif de 102 septicémies sur cathéters veineux périphériques ou centraux, indique que si 55 % de ces épisodes ne se compliquent pas, 30 % donnent lieu à complications majeures (endocardites, infections métastatiques, chocs septiques...) [11]. Mais surtout ce pourcentage varie selon l'agent infectieux soit 18 % de complications majeures dans les septicémies à staphylocoques coagulase négatifs, 44 % dans les septicémies à staphylocoques dorés, 64 % quand il s'agit de levures.

PHYSIOPATHOLOGIE DES INFECTIONS LIÉES AUX CATHÉTERS VEINEUX CENTRAUX

Interactions défavorables

Comme démontrée dans une étude en chirurgie cardiaque, la rencontre du cathéter et de l'agent infectieux est incontournable, immédiate, se produisant dès la pose percutanée du dispositif [2]. Si le site d'insertion cutanée est la porte d'entrée la plus évidente, d'autres provenances de micro-organismes sont reconnues dont l'environnement, par le biais des différentes manipulations de la ligne ou des solutés. Mais, au-delà de ces différents modes de contact, doivent être considérées les circonstances qui permettent ou favorisent le passage de la contamination à la colonisation et donc potentiellement à la septicémie. Cette progression se fait à la faveur d'interactions entre micro-organismes, cathéter et hôte. L'adhérence est favorisée par un certain nombre de propriétés du cathéter ; elle est ainsi renforcée par un support hydrophobe (chlorure de polyvinyle, polyéthylène, silicone) ou électropositivement chargé. À l'inverse, toute imprégnation électronégative telle qu'obtenue par la chlorhexidine est défavorable à la fixation des micro-organismes. Cette dernière est facilitée par les matériels rugueux, irréguliers tel le téflon, qui de plus induisent des thromboses. D'une façon générale, tout cathéter appelle plus ou moins intensément et rapidement la thrombose ; agrégation plaquettaire et coagulation des protéines tissulaires et plasmatiques dont fibrine, fibrinogène, collagène, et albumine sont facilitées à son contact. Partant d'une recherche systématique au moment du retrait des cathéters, des auteurs ont récemment rapporté 33 % de thromboses [12]. Or, la présence d'un thrombus accroît significativement les risques de colonisation et de septicémie [13]. En effet, certaines protéines dont la fibronectine favorisent l'adhérence des staphylocoques en général, mais ce sont les agents coagulase positifs tel que Staphylococcus aureus ou espèces candida qui mettront le plus à profit cet environnement prothrombotique. Ces micro-organismes sont en effet particulièrement adhérents à la fibrine. Les staphylocoques coagulase négatifs ont quant à eux la capacité de produire un matériel qui les isole par rapport à la réponse immune de l'hôte. Ce manchon polysaccharidique ou slime agit comme une protection anti-opsonine. Les germes sont au final au contact du cathéter dans la profondeur d'un biofilm complexe (protéines de l'hôte et glycocalix fibreux de la bactérie). Très éloignés de la surface et donc des nutriments, ils vont avoir une croissance bien plus lente que celles des bactéries en surface et se révéler, de ce fait, moins sensibles à la plupart des antibiotiques.
Les mécanismes de défense de l'hôte, naturels dépendants des leucocytes ou acquis liés à une antibiothérapie systémique, sont donc déficients. Les leucocytes perdent au contact du cathéter leurs propriétés habituelles de phagocytose particulièrement lorsque des opsonines sont requises (Staphylococcus aureus). Tout ceci rend incontournable dans le traitement de ces infections l'ablation du cathéter.

Modes de colonisation

Les passages de la contamination à la colonisation, de la colonisation à l'infection, résultent d'un effet inoculum, lui-même conséquence d'une importation en excès des germes. La colonisation exoluminale ou encore antérograde a pour origine la peau du patient ; elle est le principal mécanisme de colonisation pour de nombreux auteurs [14] [15]. Le dogme cutané demeure encore aujourd'hui très important dans la littérature, justifiant tous les efforts de prévention dans cette direction. Nombreuses sont les études qui ont établi une stricte concordance génomique entre agents infectieux retrouvés aux niveaux du site cutané d'insertion d'une part, de l'extrémité distale du cathéter d'autre part. Des gradients décroissants du point de vue de l'inoculum ont été maintes fois démontrés entre cette porte d'entrée cutanée et l'extrémité distale du cathéter. Ainsi, du point de vue du risque, bon nombre de cathéters veineux centraux ont été ou sont toujours assimilés aux voies veineuses périphériques [15].
Les connecteurs et autres voies d'accès à la ligne de perfusion sont pour d'autres auteurs la porte d'entrée principale des micro-organismes. Si ces derniers ont souvent pour origine les flores des mains du personnel ou de l'environnement, des corrélations ont aussi été établies avec la flore cutanée du patient. La migration antérograde est ici endoluminale le long de la paroi interne du cathéter. L'école espagnole attribue à ce mode de colonisation le premier rôle [16].
L'opposition est en réalité relative entre les deux théories. Les premiers auteurs ont étudié des cathéters en place en moyenne 7 à 9 jours, les seconds ont analysé des cathéters d'une durée de vie de 23 à 26 jours. Or, l'examen au microscope électronique à balayage révèle une égale progression de la colonisation des surfaces externe et interne pour les cathéters en place en moyenne 15 jours. Pour ce qui est des cathétérismes au long cours, le degré d'envahissement et de colonisation par un biofilm est deux fois plus important en endoluminal qu'en exoluminal. Il apparaît donc, de façon simplifiée, que les deux modes d'entrée peuvent coexister, la prédominance de l'un sur l'autre dépendant des temps de séjour et des modes d'utilisation des cathéters [17]. Les cathétérismes de longue durée, en particulier pour nutrition ou chimiothérapie portent un risque croissant de manipulation et donc de colonisation endoluminale. Le risque exoluminal prévaut quant à lui dans les cathétérismes de durée courte tels que rencontrés en périopératoire. Concernant le contexte de la réanimation, la frontière n'existe pas, tout cathéter pouvant être soumis à des manipulations multiples renforcées encore par la présence de doubles voire triples lignes. Les manipulations au niveau des rampes sont continuelles, les risques majorés dès lors que les utilisations du cathéter se multiplient (nutrition, passage de produits sanguins et prélèvements sanguins...).
Lorsque s'appuyant sur une technique de biologie moléculaire pour établir les concordances, des auteurs étudient les modes de colonisation de 403 cathéters triple lumière en réanimation (temps de séjour moyen 6 jours), site cutané d'insertion et connecteur apparaissent à égalité de responsabilité [18].
La voie endoluminale se distingue de la voie exoluminale par un potentiel de bactériémie beaucoup plus élevé [19]. Dans ce contexte, la pathogénicité des micro-organismes est inhomogène. L'inoculation expérimentale du connecteur par Pseudomonas aeruginosa conduit rapidement chez tous les animaux à un sepsis majeur, alors même que Staphylococcus epidermidis peut ne produire aucun effet pendant une semaine entière chez certains sujets [20].
Demeurent d'autres voies de colonisations plus anecdotiques. Ainsi, les infections à partir de liquides perfusés peuvent se révéler sur un mode épidémique. Les germes sont, de façon prépondérante, des bacilles Gram négatifs (entérobactéries, Pseudomonas, Klebsiella). La contribution de ce mode d'entrée à l'endémie des septicémies liées au cathéter est infime. Enfin, la colonisation du cathéter à partir d'une bactériémie sur foyer à distance, en théorie possible, reste non démontrée [21].
En conclusion, si jusqu'à très récemment, les stratégies de diagnostic et de prévention ont été déduites des deux principaux modèles de colonisation exo- et endoluminal, il apparaît aujourd'hui nécessaire, dans une démarche optimale, de considérer simultanément les deux mécanismes.

DIAGNOSTIC

L'examen du point d'entrée du cathéter est non-sensible et non-spécifique, l'inflammation n'ayant aucune valeur diagnostique. La purulence, seul élément incontestable, a une sensibilité très faible, en particulier chez l'aplasique.
La responsabilité du cathéter veineux central dans l'infection est donc établie à partir d'un diagnostic microbiologique. Or, dans ce domaine, un très grand nombre de modalités sont proposées. Ainsi, une récente méta-analyse rapporte 16 techniques et 17 variantes [22]. Le cahier des charges pour la méthode idéale, du point de vue du clinicien, doit à l'évidence répondre aux critères suivants :
- diagnostic adapté aux deux principaux modes de colonisation exo- et endoluminal ;
- diagnostic possible de l'infection cathéter en place avec excellente sensibilité tant serait grand le risque de maintenir un cathéter colonisé ;
- identification rapide et exhaustive du ou des agents infectieux ;
- bon rapport qualité-prix.
Un choix éclairé nécessite l'appréciation des risques fondée sur la connaissance de l'environnement et des caractéristiques des cathéters (temps de séjour, usage(s)). La confrontation avec le microbiologiste permet, pour une unité de soins donnée, le choix d'une stratégie.

Méthodes imposant le retrait du cathéter

Culture semi-quantitative
Jusqu'au milieu des années 1970, le diagnostic microbiologique a reposé sur la simple culture qualitative du cathéter, en pratique sur l'immersion d'un fragment de ce dernier dans un bouillon de culture. La positivité, induite par le moindre agent contaminant, donnait à cette méthode une excessive sensibilité avec absence de toute spécificité. Les méthodes de cultures quantitatives introduites en 1977 ont été de ce point de vue une révolution. La force du travail de Maki et al. a été d'établir une relation standardisée entre un nombre de colonies et un risque infectieux [15]. Le segment de cathéter, roulé au contact d'une gélose dans une boîte de Pétri, induit des colonies qui seront toutes énumérées. En deçà de 15 colonies, aucun événement infectieux local et à fortiori systémique, ne peut être rapporté au cathéter. Au-delà de 15 colonies, le cathéter est dit colonisé ; à ce stade, le risque infectieux croît au prorata du nombre des colonies. L'inflammation locale est présente respectivement chez 13 et 64 % des patients à culture négative (< 15 UFC) et positive ( 15 UFC). Le risque septicémique nul dans le groupe à culture négative, est de 16 % dans le groupe à culture positive, n'existant toutefois dans le travail de Maki qu'au stade de confluence soit 103 colonies ; les micro-organismes tels que staphylocoques dorés, levures ou bacilles à Gram négatif, portent un taux élevé de septicémies (57 %), alors même que les cultures positives à Staphylococcus epidermidis ne génèrent pas de bactériémie.
Dans le sillage de ces données, de très nombreuses équipes ont adhéré à la méthode de culture « semi-quantitative » qui demeure aujourd'hui encore la plus appliquée.
Les imperfections sont pourtant nombreuses. La technique est adaptée au seul mode de colonisation exoluminal du cathéter. D'ailleurs, dans l'étude originale, Maki et al. ont surtout étudié des voies veineuses de durée de vie très courte (inférieure ou égale à 2 jours) et pour l'essentiel périphériques. Ils ont mis en évidence un gradient de colonisation décroissant depuis le site d'insertion jusqu'à l'extrémité distale du cathéter et ont préconisé un examen à la fois des segments proximal et distal. Le risque est donc, avec cette méthode appliquée aux seuls segments distaux, d'ignorer une colonisation exoluminale proximale. Cependant ces insuffisances pourraient n'être que théoriques ; à la lumière d'études basées sur un examen direct des deux faces du cathéter (coloration de Gram), la technique a été créditée d'une excellente spécificité et d'une très bonne sensibilité hors détection des levures. La difficulté à reproduire en culture les levures pourrait venir du temps de cheminement du cathéter depuis le malade jusqu'au laboratoire. Ceci a conduit certains auteurs à comparer mises en culture immédiate et différée, soit respectivement au lit du malade et au laboratoire. Dans le second cas, il y a perte de sensibilité particulièrement pour ce qui concerne les levures dont la pathogénicité dans le contexte ne fait aucun doute [23].
Au total, si l'examen du segment proximal du cathéter veineux central d'une part, l'ensemencement de la gélose au lit malade d'autre part, peuvent contribuer à améliorer les performances de la technique de Maki, l'hypothèse demeure d'une insuffisance de cette technique face au risque endoluminal. C'est dans ce contexte qu'est apparue la culture plus exhaustive de l'extrémité distale du cathéter dite culture quantitative.
Techniques de culture quantitative
Les méthodes les plus diffusées sont celles de Cléri et de Brun-Buisson, mais de très nombreuses variantes sont décrites [24]. Le principe est toujours de libérer dans un milieu liquide l'ensemble des micro-organismes adhérant au cathéter et ce par différentes techniques (flush, ultrasons, vortex). Après dilutions successives du bouillon, on procède à l'ensemencement de la gélose. Les colonies de chaque espèce sont énumérées, les résultats exprimés en colonies par millilitre. Au terme de différents travaux cliniques, le seuil discriminant pour le risque infectieux (colonisation) a été fixé à 103 ·mL-1 ; en deçà, les éventuels événements septiques ne sont pas à rapporter au cathéter.
Inconvénients des cultures de cathéter
Les techniques semi-quantitative d'une part, quantitative d'autre part, sont les plus utilisées. Un meilleur rapport qualité-prix pour la première explique sa très large application. Quoiqu'il en soit, le problème majeur est d'imposer le retrait systématique du cathéter afin d'apporter la preuve de sa responsabilité ; 75 à 85 % des cathéters sont ainsi abusivement remplacés. Un autre inconvénient est un temps de réponse de plusieurs heures, d'où le choix pour la plupart des équipes d'un changement sur guide dans l'intervalle. En cas de culture positive du premier cathéter, il est procédé à un changement de site. Une réponse rapide pourrait être obtenue par l'examen direct du cathéter, après coloration de Gram. Cette pratique a une bonne pertinence diagnostique et peut être associée à la culture semi-quantitative [25]. L'examen direct avec coloration de Gram appliqué aux bouillons en complément de la méthode quantitative de Cléri ou de Brun-Buisson est en revanche peu pertinente [26]. En pratique, ces méthodes rapides sont peu diffusées car incompatibles avec la disponibilité des laboratoires de bactériologie.

Méthodes permettant le diagnostic in situ cathéter en place

Exclues dans les chocs septiques avec forte suspicion du cathéter, ces méthodes s'adressent aux situations infectieuses les plus courantes telles les fièvres isolées inexpliquées. Il est bien entendu qu'elles doivent avoir une très bonne valeur prédictive négative tant il serait grave de maintenir en place un cathéter colonisé.
Cultures du point d'insertion cutané et (ou) du connecteur
À partir d'écouvillonnages, des cultures quantitatives du site cutané d'insertion et/ou du premier raccord sont réalisées. L'intérêt d'associer les 2 prélèvements est discuté ; pour certains auteurs, il est possible de privilégier l'un ou l'autre selon la prédominance des risques exo- ou endoluminal. Sensibilité et valeur prédictive négative sont excellentes, répondant donc bien au souci de ne pas maintenir en place un cathéter pathogène. En revanche, ces méthodes sont très imparfaites en terme de valeur prédictive positive, une culture quantitative positive pour l'un ou l'autre site ne suffisant pas à établir la responsabilité du cathéter [27]. De ce fait, une technique de prélèvement à l'intérieur même de la lumière du cathéter à l'aide d'une brosse spécifique a été récemment proposée [28]. L'étude porte sur des cathéters de réanimation chirurgicale (9,5 jours de durée moyenne) parfois utilisés pour de la nutrition veineuse. Le principe, un peu à l'identique des brosses pulmonaires, est d'introduire de façon distale dans la lumière du cathéter une brosse pour prélèvement. Avec un seuil de positivité de 100 unités formant colonies par mL et comparées aux techniques de référence (Maki, Cléri), les performances pour le diagnostic de septicémie liée au cathéter sont excellentes. La pertinence est malheureusement dépendante d'une parfaite technique avec positionnement de la brosse aussi distalement que possible. Plusieurs effets secondaires de la brosse peuvent donc être envisagés dont la bactériémie par mobilisation des germes. Au-delà se pose le problème de l'intérêt économique puisque le surcoût de la brosse est le double de celui du cathéter standard dont on veut éviter la pose inopportune. Enfin, l'application aux cathéters multivoies n'est pas évidente.
Hémocultures quantitatives appariées
Le principe est ici de recueillir concomitamment sur Isolator du sang périphérique d'une part, central via le cathéter veineux d'autre part. L'inoculation à partir de ces prélèvements des boîtes de gélose permet d'établir un ratio du nombre des colonies périphériques et centrales. Très largement appliquée dans les contextes de la cancérologie et de la nutrition au long cours, cette technique a une place marginale en réanimation [29] [30]. La difficulté réside dans le choix du ratio discriminant puisque les propositions diverses et non étayées de la littérature vont de 2 à 30. Un travail de 1997 portant sur des patients de réanimation, retient comme statistiquement idéal (courbe ROC) un ratio de 8 [31]. La sensibilité est alors maximale, minimisant le risque de laisser en place un cathéter responsable. Un incontournable délai de réponse de 24 à 48 heures est en effet à prévoir.

Perspectives nouvelles

Si aucune des techniques mentionnées ne répond idéalement aux besoins, les propositions récentes de la littérature pourraient permettre d'atteindre l'objectif.
Hémocultures qualitatives appariées
Cette technique découle de l'automatisation de lecture des hémocultures dans les différents laboratoires de bactériologie. Elle s'appuie sur une corrélation parfaite entre le nombre de micro-organismes et les répercussions métaboliques dans les flacons. Ces dernières sont détectées par l'automate au prorata de la croissance de l'inoculum et la lecture se fait toutes les 15 minutes. Le délai de positivité est d'autant plus bref qu'il existe un fort inoculum. Il est ainsi possible de comparer deux hémocultures, l'une provenant du sang périphérique, l'autre provenant du cathéter veineux central. L'hypothèse est faite d'un délai de détection plus court pour ce qui concerne le sang du cathéter veineux central lorsque celui-ci est responsable de l'infection.
Dans un travail publié en 1999, les auteurs réalisent plusieurs paires d'hémocultures qualitatives dans les 48 heures qui précèdent l'ablation d'un cathéter suspect dont l'extrémité est ensuite soumise à une culture quantitative. La responsabilité du cathéter est établie selon les référentiels internationaux. Lorsque deux hémocultures d'une même paire sont positives, la différence des temps de détection (périphérique moins central) est établie. Après analyse des résultats, il apparaît qu'un « cut off » de deux heures est crédité d'une bonne performance diagnostique pour ce qui concerne les septicémies liées au cathéter, soit une sensibilité de 93 % et une spécificité de 91 %. Lorsque la différence de temps est inférieure à deux heures, le cathéter n'est pas mis en cause et la bactériémie rapportée à un foyer à distance. Une colonisation du cathéter dans ce contexte a intéressé 2 des 11 patients porteurs de septicémies sur foyer à distance. Les paires d'hémocultures doivent dans ce cas être refaites, le cathéter étant dans l'intervalle conservé. Un délai de positivité du sang prélevé sur cathéter supérieur à 24 heures exclut dans le travail publié la responsabilité du cathéter [32]. Tous ces résultats indiquent un fort potentiel pour cette méthode simple et sans risque, car toute positivité du sang prélevé sur cathéter augmente la vigilance. L'intérêt économique est évident car une hémoculture qualitative est 5 fois moins coûteuse qu'une hémoculture quantitative, et les prélèvements ne sont ici réalisés que sur flacon aérobie.
L'approche est apparue satisfaisante dans cette population de patients cancéreux soumis à des cathétérismes de longue durée (temps moyen 12 jours, extrêmes : 2 j-4 ans), 70 des 93 cathéters étudiés ayant une durée de placement inférieure ou égale à 30 j. Elle pourrait faillir dans les situations où le risque exoluminal prédomine soit les cathétérismes de courte durée ; mais dans ces contextes le risque septicémique est reconnu faible.
Test à l'acridine orange
Ce test, complété par une coloration de Gram, autorise la mise en évidence d'organismes vivants en croissance dans un culot de cytocentrifugation en provenance d'un sang prélevé sur cathéter veineux central. Ainsi, ont été étudiés des cathéters de nutrition, en place 16 j en moyenne (extrêmes : 5-730 j) [33]. Pour le diagnostic de septicémie liée au cathéter, la sensibilité et la spécificité de la méthode sont respectivement de 96 et 92 %. La technique (100 L de sang) prend 30 minutes. La détection précoce des bactéries par l'acridine orange (très spécifique de l'ADN bactérien) est complétée par une identification par coloration de Gram ; ceci permet la mise en place rapide d'un traitement adapté. Il ne s'agit pas là d'une méthode quantitative, mais son seuil semble être très proche de 1 000 UFC·mL-1. Mise au point en néonatologie, cette méthode commence à trouver des applications chez l'adulte. Sa diffusibilité pose toutefois le problème de l'exposition des personnels de laboratoire au risque carcinogène de l'acridine orange.

Conclusion

Il ressort d'une méta-analyse consacrée aux performances des différentes méthodes diagnostiques que la culture quantitative du cathéter est la référence [22]. Pour ce qui concerne le diagnostic cathéter en place, l'étude statistique est en faveur des hémocultures quantitatives appariées, mais les très récentes propositions de la littérature ne sont pas intégrées dans le travail [22].
Par raison économique, de nombreuses équipes font le choix de la culture semi-quantitative de Maki. Si cette option est recevable, pour des cathéters peu utilisés et dont les temps de séjour sont brefs (situation périopératoire, chirurgie cardiaque, etc.), elle est inappropriée ailleurs. Dans le contexte de la réanimation où l'objectif est d'aller vers des méthodes de diagnostic cathéter en place, la méthode de Cléri est plus pertinente.

PRÉVENTION

L'acte premier de la prévention est de ne pas proroger indûment un grand nombre de cathétérismes. Il est nécessaire de faire, dès que possible, le choix de la voie veineuse périphérique dont le risque relatif est infiniment moindre [34].

Information - Enseignement

Pose et gestion des cathéters veineux centraux doivent se faire dans le cadre très contraint de protocoles écrits et validés. L'implication des structures hospitalières spécifiques (C.CLIN, infirmières hygiénistes) est importante, mais les actions d'information, de surveillance et de recueil ne suffisent pas à infléchir la courbe des risques [35] [36]. Des auteurs vont ainsi, au travers d'un enseignement pratique fortement incitatif, chercher l'adhésion du plus grand nombre à une nouvelle procédure de pose [37]. Les praticiens sont invités à abandonner la pratique des champs stériles de petite taille au profit de très grands champs. L'agrément passe de 33 à 99 % au décours immédiat de la période d'enseignement, mais 6 mois après la fin de cette période, il n'est plus que de 73 %. L'impact de la mesure en terme de réduction du risque infectieux a été de 30 %.
Dans le même esprit, une autre équipe a insisté sur l'intérêt de renforcer l'adhésion des différents personnels aux protocoles. L'actualisation d'un guide des bonnes pratiques cliniques pour pose des cathéters veineux centraux est l'occasion d'une information intensive avec enseignement dirigé et entraînement individuel au lit du patient. Cet effort se traduit par une diminution significative des septicémies passant de 6,6 à 2,3 pour 1 000 jours cathéter [38].
De ce fait, la sur-spécialisation de certaines équipes pour la pose et la gestion des cathéters veineux centraux préconisée dans certaines études anciennes, n'est plus d'actualité dès lors que les personnels des unités de soins sont constamment et correctement enseignés [39].

Pose du cathéter

Site d'insertion
En l'absence d'étude randomisée comparant les différents accès veineux, seules sont disponibles des études de cohortes prospectives cherchant à étudier les facteurs de risque de l'infection sur cathéter. Quels que soient les populations, procédures, protocoles ou rigueurs scientifiques des études, l'ensemble de la littérature identifie la voie jugulaire interne comme facteur de risque significatif et indépendant pour la colonisation et l'infection locale [19] [40]. Indirectement, d'autres d'éléments vont dans le sens d'un risque majoré ; ainsi la voie jugulaire interne est beaucoup plus génératrice de thromboses. Dans un travail prospectif avec recherche multimodale de thromboses sur cathéter, on retrouve 4 fois plus de thromboses sur voie jugulaire interne que sous-clavière [12].
Mais si la voie jugulaire interne porte les facteurs de risque de l'infection, la preuve d'un risque bactériémique majoré n'a pas été apportée.
En cours de réhabilitation, la voie fémorale est créditée de risques accrus de colonisation et de thrombose [41] [42] [43]. Mais, à l'identique de la voie jugulaire interne, il n'a pas été démontré formellement de risque septicémique supérieur.
Préparation du champ cutané
Visant à diminuer la colonisation antérograde et donc les septicémies précoces, elle est une étape déterminante de la prévention. Si le temps préalable du « dégraissage » cutané n'a pas d'efficacité prouvée, en revanche, il ne peut être fait aucune impasse sur les temps de détersion, rinçage et application de l'antiseptique. Or, ces modalités de préparation cutanée n'apparaissent pas dans les études qui, pour l'essentiel, se focalisent sur le choix de l'antiseptique. Le travail prospectif randomisé de Maki en 1991 a ainsi comparé alcool 70 %, povidone-iodine 10 % et chlorhexidine aqueuse à 2 % [44]. Incluant cathéters artériels et veineux centraux même posés sur guide, l'auteur conclut à des taux de colonisation et de septicémie identiques dans les deux premiers groupes et 3 à 5 fois moindres dans le groupe chlorhexidine. L'analyse des résultats révèle un effet bénéfique électif de cet antiseptique sur la prévention des septicémies générées par les changements sur guide.
N'intégrant pas les cathéters posés sur guide, un autre travail compare povidone-iodine 10 % et chlorhexidine (Biseptine®[45]. Malgré une randomisation défavorable au groupe chlorhexidine, soit risque accru de colonisation endoluminale, les taux de colonisation et de fièvres résolutives sont significativement plus faibles dans ce groupe. Mais pour ce qui est des septicémies il n'y a pas de différence significative.
L'ensemble de ces données, en défaveur de la povidone-iodine 10 %, aurait pu paraître cohérent. En effet, dans d'autres circonstances, telle la désinfection de la peau en vue d'hémocultures, les performances de la povidone-iodine n'ont pas été jugées optimales [46].
Pourtant, les études les plus récentes, s'agissant de pose de cathéters veineux centraux ou de voies veineuses périphériques, placent à égalité de performance chlorhexidine et povidone-iodine [47] [48]. Ces discordances entre travaux de la littérature peuvent s'expliquer par des conditionnements de la chlorhexidine différents d'une étude à l'autre et surtout des procédures d'applications inadéquates. Il existe en effet pour chaque antiseptique une démarche en trois temps à respecter, avec nécessité absolue pour la détersion de choisir le produit correspondant dans la gamme de l'antiseptique choisi.
Barrières stériles
L'intérêt de multiplier les barrières stériles au cours de la pose est largement démontré. La pratique aux États-Unis s'est longtemps limitée au simple port de gants avec mise en place d'un champ stérile de petite taille. Les habillages chirurgicaux du praticien et du champ opératoire se sont imposés au vu de la diminution drastique (de 4 à 6 fois) des infections rapportées par certaines équipes [49] [50]. L'efficacité des barrières stériles est soulignée par l'acquisition précoce des colonisations, infections dans les groupes contrôles soit deux tiers des cas au cours des 6 premières semaines, alors même que dans les groupes « barrières maximales » aucun cas n'est détecté dans ce laps de temps. Le corollaire de ces constatations, est qu'un cathéter qui n'a pas été posé dans les règles strictes de l'asepsie doit être remplacé. L'antibioprophylaxie au moment du geste n'a démontré aucune efficacité.
Renforcement de l'effet de barrière
Pâte antibiotique ou antiseptique
Les propositions d'appliquer un verrou « antibiotique » au niveau de la jonction cathéter-peau sont anciennes. Les premières pommades testées intégraient de multiples antibiotiques et ont favorisé l'émergence des levures. La mupirocine, antibiotique non systémique, hautement actif in vitro sur le staphylocoque et capable d'éradiquer le portage cutané de Staphylococcus aureus, a été introduite dans l'arsenal de prévention des infections sur cathéter veineux central. L'une des études les plus récentes concerne des patients de néphrologie en situation d'hémodialyse aiguë sur cathéter double lumière [51]. La randomisation octroie à la moitié du collectif une prophylaxie avec mupirocine, administrée au moment de l'insertion du cathéter puis à chaque pansement, soit 3 fois par semaine. L'étude n'est pas en double aveugle et souffre d'un taux de colonisation à Staphylococcus aureus basal extrêmement élevé, soit 35,8 % pour le groupe contrôle ; comme classiquement avec ce germe, le passage à la bactériémie est fréquent, puisque 15 des 24 cathéters positifs vont donner lieu à une bactériémie. L'efficacité de la prévention par la mupirocine est remarquable puisque la densité d'incidence des septicémies à Staphylococcus aureus s'effondre, passant de 20,4 événements à 1,6 pour 1 000 jours/cathéter (p < 0,001), les deux groupes étant identiques du point de vue du portage cutané initial. À l'évidence il n'y a pas de surprise dans ces résultats ; la discussion est ailleurs. Elle concerne, dans l'éventualité d'une utilisation à large échelle, le risque de sélection de souches résistantes ; des cas ont d'ailleurs été décrits concernant les staphylocoques coagulase négatifs. Les pommades à la mupirocine pouvant de plus léser les cathéters en polyuréthanne, il n'y a pas de recommandation actuelle dans la littérature pour ce type de traitement préventif.
Plus recommandable est en théorie l'application de povidone-iodine pommade au niveau du site d'insertion. Cette proposition a été faite pour diminuer les infections à staphylocoque dans une population de dialysés chroniques [52]. Tous les cathéters sont sous-claviers, l'étude est prospective, randomisée mais sans double aveugle. Les précautions classiques de l'asepsie sont prises au moment de l'insertion du cathéter. Le groupe traité bénéficie de l'application de povidone-iodine pommade 10 % ; le pansement est fermé après interposition d'une compresse sèche et l'application est réitérée à chaque pansement. Les résultats sont extrêmement significatifs en terme de réduction de bactériémie liée au cathéter, avec une réduction du risque relatif de 93 %. Dans le groupe contrôle, les patients détectés porteurs de staphylocoques dorés ont un risque multiplié par 3 de développer une septicémie sur cathéter ; le traitement préventif annule le risque. L'application locale d'une pommade à la povidone-iodine peut donc se concevoir chez certains sous-groupes de patients particulièrement à risque de développer des infections à staphylocoque doré (porteurs détectés).
Tunnelisation
Sur ce principe de réduire le risque de colonisation en ralentissant le transfert exoluminal des germes depuis la périphérie vers l'extrémité du cathéter, la littérature est contradictoire. Une méta-analyse récente concernant des cathétérismes inférieurs à 30 jours démontre un effet favorable sur la colonisation de l'extrémité distale du cathéter et les septicémies qui en découlent [53]. Mais, malgré les efforts des auteurs pour sélectionner les études et les rendre homogènes, les biais sont majeurs, défavorisant dans certains cas la tunnelisation (ex : pâte antibiotique au niveau de l'insertion), la favorisant dans d'autres. Ainsi, le travail de Timsit et al. qui ne porte que sur des voies jugulaires internes, soit à haut risque de colonisation exoluminale, pèse lourdement sur les résultats globaux de la méta-analyse. Lorsqu'il est extrait et que seules les voies sous-clavières sont considérées, aucun effet favorable de la tunnelisation n'est retrouvé ; un effet inverse est même constaté. Pour ce qui concerne les cathétérismes sous-claviers de durée de vie courte ou moyenne, il n'y a donc aucune indication à pratiquer la tunnelisation. L'intérêt de cette pratique pour la voie fémorale a été recherché [54]. La tunnelisation réduit significativement l'ensemble des événements septiques en lien avec le cathéter, mais pour ce qui est du sous-groupe objectif des septicémies, la signification n'est pas atteinte.
N'ayant pas formellement démontré son efficacité, la tunnelisation pose le problème de sa faisabilité par le plus grand nombre. Dans toutes les études, le risque de majorer paradoxalement les infections est argumenté.
Pansements
L'avènement, au début des années 80, des films de polyuréthanne transparents semi-perméables a rapidement abouti à la disparition du classique pansement sec avec interposition de compresse ; visualisation du site d'insertion, fixation parfaite du cathéter et étanchéité par rapport aux risques extérieurs, sont les qualités mises en avant. En 1987, 4 régimes de pansement sur voies veineuses périphériques en terme de facteurs de risque de la colonisation ont été comparés [55]. L'étude est ambitieuse, incluant 2 088 cathéters périphériques en téflon. La randomisation en quatre groupes octroie respectivement un pansement par gaze stérile remplacé chaque jour, le même pansement laissé en place jusqu'au terme du cathétérisme, un pansement par film transparent en polyuréthanne laissé en place jusqu'à la fin du cathétérisme, et enfin un pansement transparent imprégné d'antiseptique iodé maintenu aussi jusqu'au terme du cathétérisme. Aucune différence entre les 4 modalités n'est observée pour ce qui concerne colonisation et septicémie. L'analyse multivariée retient quatre facteurs de risque pour la colonisation, dont l'accumulation d'humidité ou de sang sous le pansement. Cette constatation va promouvoir les films les plus perméables à la vapeur d'eau.
Cette voie de recherche a été poursuivie quelques années plus tard. Il ne s'agit plus de voie veineuse périphérique mais de cathéters artériels pulmonaires [56]. Trois pansements sont ici comparés, le traditionnel pansement sec, et 2 pansements à partir des films transparents respectivement conventionnels et hautement perméables. Le premier est changé toutes les 48 heures, les deux autres tous les 5 jours. L'analyse bactériologique est précise avec prélèvements réalisés tout au long du cathéter et profils bactériens strictement comparés. L'humidité est macroscopiquement visible dans un cas sur deux pour ce qui concerne le film transparent traditionnel, dans 40 % des cas pour ce qui concerne le film hautement perméable, dans 21 % des cas pour ce qui concerne le pansement sec. La différence est statistiquement significative en faveur de ce dernier. La colonisation détectée au niveau du site d'entrée du cathéter au moment de son ablation est très significativement différente entre pansement sec et pansements transparents, le pansement perméable étant un peu moins mauvais. Il n'y a toutefois pas de différence entre les 3 groupes en terme de flore, de colonisation de l'extrémité du cathéter et de septicémie. Ces études sont en concordance avec d'autres travaux de méthodologies moins recevables ainsi qu'avec les résultats d'une méta-analyse de 1992. Les pansements transparents favorisent les colonisations du site d'insertion voire du cathéter, mais du strict point de vue infectieux il n'y a pas de différence objective [57].

Gestion du cathéter

La littérature décourage fortement toutes les initiatives autour du « flush » du cathéter par des solutions antibiotiques dont la vancomycine. Le risque d'émergence de bactéries résistantes outrepasse toute considération. Il en va tout autrement de la prophylaxie des thromboses veineuses sur cathéter, dont les rôles facilitant sur l'adhérence des germes et l'infection ont été amplement démontrés. Une méta-analyse de 1998 conclut à une diminution du risque de thrombose sur cathéter sous héparine prophylactique [58]. Aucune corrélation n'est toutefois démontrée entre diminution du risque thrombogène par les anticoagulants et diminution des septicémies sur cathéter. Les études retenues sont anciennes, très hétérogènes incluant des modes d'administration systémiques et des imprégnations de cathéters. Récemment, il a été rapporté comme facteurs de risque indépendants des thromboses sur cathéter, un âge supérieur à 65 ans, un site jugulaire interne et une absence d'anticoagulation thérapeutique [12]. Dans ce travail, la corrélation, statistiquement significative, établie entre thrombose et septicémie, plaide pour l'effet préventif des anticoagulants. Des études complémentaires sont nécessaires pour établir modalités et risques d'une attitude systématique.

Gestion des connexions

Elle prend toute son importance lorsque des cathéters à multiples vocations sont maintenus en place au-delà de quelques jours [59] [60]. Le risque cutané (flore du patient) ne s'atténue pas avec le temps, mais coexiste avec un risque acquis lié à une flore hospitalière (mains du personnel, environnement). À l'évidence, les précautions doivent être optimales dès qu'il y a manipulation du connecteur cathéter-ligne qui peut se situer près du site d'insertion ou en être éloigné pour plus de commodité par l'interposition d'une courte tubulure intermédiaire. Tout doit être fait pour réduire les occasions d'effraction à ce niveau ; le concept de changement du set de perfusion toutes les 48 heures, assez répandu dans la littérature, doit être modifié en faveur d'un rythme de 2 fois par semaine [61]. Cette pratique, actuellement recommandée, est de plus moins coûteuse. Mais dès qu'il y a perfusion de produits sanguins ou de lipides, le changement doit se faire toutes les 24 heures [16] [61]. Il n'y a aucune preuve de l'efficacité d'une antisepsie dès lors que la contamination a eu lieu. La propagation rapide en amont et en aval est reconnue. L'isolement du connecteur dans un manchon imprégné d'antiseptique a été démontré efficace dans la réduction d'épidémies dans un certain nombre d'études. Il s'agit là d'une recommandation forte dans la plupart des guides de bonnes pratiques cliniques.
La manipulation des rampes et robinets doit se faire au travers d'une compresse imbibée d'antiseptique. La protection par rapport à l'environnement doit être totale avec apposition constante d'un système de fermeture.
Le risque endoluminal lié aux connecteurs et robinets, est en théorie, acutisé par l'utilisation de cathéters à double ou triple lumières. Les résultats sont de ce point de vue totalement disparates dans la littérature. Beaucoup d'études, méthodologiquement problématiques car non randomisées, ne permettent pas de contrôler les différences de sévérité existant à l'évidence entre les populations de patients (a priori plus atteintes dans les groupes triples voies). Les plus récentes n'indiquent aucune différence significative entre cathéters à simple lumière ou à triple lumières. L'analyse actuarielle du risque cumulé selon la technique de Kaplan-Meier ne démontre pas non plus de différence en fonction du temps de cathétérisme [62] [63].
Tous défauts d'étanchéité ou souillure doivent conduire à une réfection immédiate du pansement. Cette évidence posée il n'y a pas dans la littérature de recommandation pour le rythme des pansements. En l'absence de symptômes infectieux locaux ou généraux, un pansement non souillé ne doit pas en théorie être refait. Lorsqu'il y a interposition de compresse, la recommandation est alors de palper le point de ponction au travers du pansement à la recherche d'une douleur. Partant du simple pansement transparent en polyuréthanne, une équipe a comparé dans une population d'hématologie deux rythmes de changement soit 1 et 2 fois/semaine. Les constations cliniques et bactériologiques sont en défaveur du changement hebdomadaire, le seuil de signification étant atteint en terme de colonisation [64].
Toutes ces données confondues, il peut être intéressant d'effectuer dans un même temps, soit rythme bihebdomadaire, changement de set et de pansement. Mesures strictes d'asepsie, habillage chirurgical et emploi de champs larges sont nécessaires ; la rigueur doit être la même que celle qui a présidé à la pose du cathéter avec persistance dans le choix initial pour la gamme de produits et respect des trois temps.

Changements systématiques et périodiques du cathéter

La politique du changement systématique et périodique du cathéter vient du principe de cumul du risque en fonction du temps de cathétérisme. Pourtant, ni les changements de site, ni les changements sur guide tous les 3 ou 7 jours, ne se sont révélés efficaces en terme de colonisation et de septicémie. Il existe même un certain nombre de résultats paradoxaux concernant un risque infectieux majoré par ces techniques. En 1992 est parue une étude randomisée visant à comparer quatre attitudes, soit changements systématiques tous les trois jours de site ou sur guide ou changements à la demande de site ou sur guide. Le travail incluait des cathéters artériels pulmonaires et des cathéters veineux centraux triple lumière [65]. Aucune supériorité des changements systématiques sur les remplacements à la demande n'a été mise en évidence. Les plus mauvaises performances en terme de colonisation et de septicémie ont été pour le groupe avec changements périodiques sur guide tous les trois jours. Tous les cas de septicémies survenus plus de 72 heures après la pose du premier cathéter appartenaient aux groupes changements sur guide. Ces derniers favorisent donc l'infection surtout lorsqu'ils sont systématiques. Les changements périodiques de site quant à eux favorisent les complications mécaniques. La revue de la littérature de 1997, à partir de 12 études, ne va pas à l'encontre de ces résultats ; elle est pour autant peu contributive, cumulant un certain nombre d'études de méthodologies imparfaites [66].

Nouvelles technologies

Connecteurs de seconde génération
Dans ce concept, est interposée entre cathéter et ligne de perfusion une chambre fermée à ses deux extrémités par une membrane en latex. L'espace intermédiaire ainsi créé contient de l'alcool iodé. L'efficacité du système est démontrée dans un modèle animal. La contamination de la jonction est provoquée par l'inoculation directe de Pseudomonas aeruginosa ou de Staphylococcus epidermidis. Tous les animaux porteurs d'une connexion standard vont développer un état septique avec Pseudomonas aeruginosa ; aucun cas n'est reconnu avec Staphylococcus epidermidis. Les groupes porteurs de chambre intermédiaire sont épargnés quel que soit l'agent inoculé. Les cultures des différents éléments du cathéter, point d'insertion cutané, faces endo- et exoluminale de l'extrémité, demeurent stériles [20].
Ces résultats favorables ont été confirmés dans les études cliniques humaines [67].
Cathéters de seconde génération
La série a été initiée par l'incorporation aux cathéters d'un manchon adaptable sous-cutané, fait de collagène biodégradable et imprégné d'argent [68]. Les effets attendus étaient une majoration de l'effet de barrière avec prévention de la colonisation exoluminale liée aux propriétés bactéricides de l'argent. Mais les promesses n'ont pas été tenues et les résultats ont été très discordants. Pour certains auteurs, l'efficacité des premiers jours s'estompe avec le temps, pour d'autres il n'y a pas d'effet même précoce ; le système favoriserait de plus l'émergence de Staphylococcus aureus au détriment de Staphylococcus epidermidis [69]. Le débat actuel porte sur les cathéters imprégnés de substances antibactériennes, l'objectif étant de ralentir la progression des agents infectieux. Les cathéters dits « antiseptiques » intègrent dans une structure de polyuréthanne, dans des proportions strictement définies, de la chlorhexidine d'une part, de la sulfadiazine argentique d'autre part. Pour cette dernière, des effets bénéfiques sont reconnus depuis 30 ans sur la prévention des infections des brûlures. Ils reposent sur l'action bactéricide des ions argent et sur le pouvoir bactériostatique de la sulfonamide. Ces substances vont avoir, à la faveur d'une libération lente dans l'environnement du cathéter (en particulier tissu sous-cutané), un effet synergique reconnu principalement pour les bacilles gram négatifs et les staphylocoques dorés. Toutes les équipes rapportent une chute très significative du taux de colonisation des cathéters de 60 à 70 % [18] [70]. Les résultats sont plus disparates pour ce qui concerne les septicémies, dont la faible incidence nécessiterait pour démontrer un effet des cohortes très importantes.
L'équipe de Maki a très largement contribué à la promotion de ces cathéters. L'étude princeps, avec double aveugle et analyse bactériologique exhaustive, porte sur 403 cathéters, dont 195 contrôles et 208 imprégnés. La durée du cathétérisme est en moyenne de 6 jours. Le chiffre de septicémies est significativement réduit soit 1,6 versus 7,6 cas pour 1 000 jours cathéter. Alors même que sont isolés au niveau des cathéters contrôles, staphylocoques dorés, bacilles à Gram négatif ou candida, les seuls agents isolés dans le groupe imprégné sont des staphylocoques coagulase négatifs. L'effet antibactérien apparaît stable durant deux semaines en moyenne, s'estompant au-delà avec progressive augmentation des taux de colonisation. L'analyse actuarielle selon les courbes de Kaplan-Meier indique une différence significative de ce point de vue avec les cathéters non-imprégnés pour lesquels la colonisation est progressivement croissante dès les premiers jours.
L'absence de colonisation, du moins les premiers jours, de ces nouveaux cathéters devrait avoir un effet dissuasif sur les indications de changement pour simple fièvre. L'équipe de Maki prend appui sur cette argumentation ainsi que sur la part des cathéters veineux centraux dans les septicémies liées aux dispositifs intravasculaires (90 %) pour établir la rentabilité de ce nouveau matériel. D'autres auteurs ont au contraire essayé d'affiner les indications retenant des résultats très probants pour ce qui concerne la voie jugulaire interne et un créneau de temps particulièrement favorable à ces nouveaux cathéters soit deuxième semaine de cathétérisme voire un peu au-delà [71]. Les premiers jours de cathétérisme sont en effet, quel que soit le cathéter, à faible risque de colonisation, et au-delà de la deuxième semaine, l'effet de l'imprégnation est moins fort même si une protection persiste indirectement liée à l'inhibition du biofilm.
Quoiqu'il en soit, la protection n'est qu'exoluminale. Ceci peut expliquer l'échec rapporté par certains auteurs particulièrement dans les cathétérismes pour nutrition [72] [73]. Pour autant une méta-analyse (13 études, 2 830 cathéters) est démonstrative sur les effets de réduction de colonisation et de septicémie (odd ratio : 0,56 ; 95 % CI : 0,37-0,84 ; p < 0,05) [74].
Une seconde voie de recherche concerne l'imprégnation des cathéters par les antibiotiques [75]. La prévention est ici en théorie exhaustive car les deux faces du dispositif intègrent l'association rifampicine-minocycline. À l'inverse des antibiotiques systémiques reconnus inefficaces sur les bactéries enchâssées dans un biofilm, ces antibiotiques vont avoir une activité. Un effet bactéricide de la rifampicine est même attendu sur ces micro-organismes, éloignés des nutriments favorables à leur croissance. Le spectre d'activité est large s'étendant aux levures eu égard aux hautes concentrations obtenues dans la paroi des cathéters. L'équipe de Raad principal promoteur de cette biotechnologie, a publié de nombreuses études préliminaires concernant les processus de colonisation interne et externe des cathéters classiques [76] [77]. La quantification par microscopie électronique à balayage a démontré un effet formel de l'imprégnation par les antibiotiques sur la colonisation. Cette dernière n'est quasiment plus détectée alors même qu'elle est retrouvée (à des degrés divers) dans pratiquement 80 % des cas-contrôles. La protection existe pendant 14 jours en moyenne.
En 1999 les mêmes auteurs comparent cathéters « antiseptiques » et « antibiotiques ». L'étude randomisée en double aveugle porte sur 738 cathétérismes d'une durée moyenne de 8 jours [78]. Pour ce qui concerne colonisations et septicémies, les résultats sont significativement favorables aux cathéters antibiotiques ; sur 14 septicémies globalement observées, 13 appartiennent au groupe « antiseptique » et surviennent pour des temps supérieurs ou égaux à 7 jours. L'analyse statistique en fonction du temps démontre un effet protecteur des cathéters « antibiotiques » au-delà de 7 jours. D'ores et déjà des études complémentaires sont nécessaires pour déterminer l'avenir de ces nouveaux cathéters et préciser leurs qualités et efficacités respectives.
D'autres voies de recherche existent ; il est ainsi depuis longtemps reconnu que l'application à un matériel conducteur d'un courant électrique de bas voltage nuit à la colonisation de ce matériel par les germes. Un cathéter colonisé pourrait donc bénéficier de l'effet bactéricide du courant. Une antibiothérapie systémique relativement inefficace sur les bactéries adhérentes pourrait voir ainsi son effet majoré. Il n'y a pas encore d'application clinique de ce concept [79].
Au total, les cathéters de seconde génération sont une avancée indéniable dans la diminution du risque infectieux. Toute la question est celle de leur rentabilité eu égard aux surcoûts attendus de 25 à 50 dollars. Si pour la majorité des patients la stricte application des règles d'asepsie, peut notablement abaisser le seuil du risque, pour certains sous-groupes, l'utilisation de ces dispositifs pourrait se justifier.

INFECTION ET SUSPICION DU CATHÉTER :
ATTITUDES PRATIQUES

Il ne peut y avoir une attitude commune intégrant l'ensemble des situations cliniques ; il est nécessaire de considérer les points suivants avant de choisir une stratégie :
- le niveau de risque fonction de la sévérité de l'infection (ex : fièvre isolée sans retentissement clinique ou choc toxi-infectieux) et des circonstances aggravantes (valve mécanique ou prothèse vasculaire) ;
- l'existence ou non de signes locaux francs ;
- le type du cathétérisme (environnement, temps de séjour, vocation(s) simple ou multiples, chimiothérapie, nutrition veineuse au long cours...) avec prédominance donc de l'une ou l'autre des voies de colonisation exo- ou endoluminale ;
- les facteurs de risque pour un nouveau cathétérisme (coagulopathie) ;
- les ressources du laboratoire local de bactériologie.
Ceci permet d'établir pour une unité de soins donnée, en concertation avec les différents acteurs, soit cliniciens, bactériologistes, et infirmières... un arbre décisionnel, intégrant les situations clinico-infectieuses les plus communes du service (figure 1).

TRAITEMENT DES SEPTICÉMIES
LIÉES AUX CATHÉTERS VEINEUX CENTRAUX

Trois points doivent être préalablement considérés :
- la diminution d'efficacité du traitement infectieux chaque fois que le cathéter responsable est laissé en place ;
- les pathogénicités très différentes selon les agents infectieux ;
- l'existence de facteurs d'aggravation spécifiques tels que valves mécaniques ou prothèses vasculaires.
L'ablation immédiate ou la plus précoce possible du cathéter responsable est fortement recommandée par tous les auteurs. L'alternative conduit, tous agents infectieux confondus, à une inefficacité immédiate du traitement dans 70 % des cas, et pour ce qui est des agents les plus pathogènes (staphylocoques dorés ou levures), la mortalité peut même être multipliée par 2 [80] [81].

Figure 1. Attitude pratique vis-à-vis du cathéter.




Les staphylocoques coagulase négatifs sont seuls en marge de ces constatations puisque la guérison de la septicémie n'est pas entravée par le maintien du cathéter ; mais le risque de récidive est élevé soit 20 %.
Étant entendu que le retrait quasi immédiat du cathéter est un préalable très souhaitable, le traitement anti-infectieux est conduit différemment selon les agents responsables. Ainsi pour ce qui est des staphylocoques coagulase négatifs, un traitement de durée courte soit en règle l'administration de vancomycine pendant sept jours ou moins est préconisée. Concernant Staphylococcus aureus, le consensus sur la durée n'existe pas même si beaucoup d'auteurs plaident pour une durée minimale de 10 jours et maximale de 15 jours [82] [83] [84]. Ces propositions ne se fondent pas sur des résultats tangibles. La méta-analyse de 1993 visant à apprécier l'efficacité du traitement court, 2 semaines, n'a pas permis de progresser [85]. Toute la difficulté est en effet de différencier les formes strictement non compliquées et compliquées des septicémies à staphylocoques dorés. Les dernières peuvent être difficiles à détecter en particulier lorsqu'il y a endocardite occulte. La non résolution des symptômes infectieux sous traitement et/ou la persistance des hémocultures positives après trois jours d'un traitement efficace (antibiothérapie et ablation du cathéter) posent en règle le diagnostic de forme compliquée. Une aide précieuse peut être apportée par l'échographie-Doppler à la recherche d'une thrombophlébite septique et surtout par l'échographie transœsophagienne [86]. Ce dernier examen pour certains auteurs peut raisonnablement venir conforter la décision d'un traitement court.
À l'instar des staphylocoques dorés, le traitement des levures doit être placé sous haute surveillance du fait d'un risque élevé de localisations secondaires. L'examen oculaire est de ce point de vue nécessaire. Le traitement par amphotéricine B n'est plus le traitement de première ligne [87] [88]. Le fluconazole du moins pour ce qui concerne Candida albicans est l'alternative à privilégier. La durée du traitement recommandée est de 15 jours au-delà de la négativité des hémocultures.
Les bacilles à Gram négatif les plus responsables de septicémies sur cathéter appartiennent aux espèces Pseudomonas, Xanthomonas, Acinetobacter ; la place des entérobactéries est marginale. Un traitement d'une semaine par antibiothérapie adaptée dans le contexte d'un retrait rapide du cathéter semble recevable. Différentes autres espèces bactériennes vont exprimer, dans des situations très exceptionnelles, une pathogénicité au contact d'un dispositif intravasculaire. Ces circonstances peuvent être celles de l'immunosuppression, de l'hématologie ou de la nutrition parentérale prolongée. Il n'y a pas de consensus du point de vue des traitements qui doivent être individualisés en fonction des agents en cause.
Étant entendu que les taux d'échecs des traitements et de récidives sont importants lorsque le cathéter est laissé en place, le choix de maintenir le dispositif doit être l'exception. Le contexte est souvent celui de cathéters posés chirurgicalement avec septicémie par agent peu pathogène. La faible efficacité des antibiotiques systémiques à l'encontre des germes enchâssés dans le biofilm justifie toutes les tentatives d'obtenir au bout du cathéter de fortes concentrations d'antibiotiques. Différentes techniques d'administration in situ via le cathéter de ces antibiotiques sont décrites, mais pour l'ensemble de ces données il y a peu d'études pertinentes. L'efficacité n'est pas franchement étayée. En tout état de cause, la durée du traitement doit être optimisée. Ce contexte où l'on demande au traitement anti-infectieux d'être efficace alors même que le cathéter responsable est toujours en place, est peu compatible avec la présence d'un facteur de risque tel une prothèse vasculaire.

CONCLUSION

Malgré une physiopathologie bien identifiée, les infections liées aux cathéters veineux centraux persistent. Les efforts pour maîtriser les voies de colonisation sont souvent en deçà de ceux consentis pour suspecter, diagnostiquer ou traiter ces infections. La sous-estimation du risque endoluminal est entretenue par le choix de la technique de culture semi-quantitative. La rigueur qui préside à la pose du cathéter s'estompe souvent lorsqu'il s'agit de gérer au long cours la ligne du cathétérisme ; des protocoles sur ce point peuvent être déduits de la littérature récente. Les cathéters dits de seconde génération autorisent l'espoir d'une réduction drastique des infections, mais le rapport coût-bénéfice est à déterminer. Pour le traitement, l'intérêt théorique de retirer le cathéter responsable est confirmé dans toutes les études cliniques. Les difficultés concernent la détection des formes strictement non compliquées qui peuvent sans risque bénéficier des traitements courts.